Mal
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La tentation conduit l’homme, doté du libre-arbitre, à la chute. Le péché est l’événement qui définit la condition de l’homme sous l’emprise du mal, et c’est à partir de lui que l’action de Dieu est tendue vers le rachat de l’humanité. L’homme médiéval, situé dans l’ère de l’Incarnation et de la Grâce, doit employer sa liberté, par la foi, à résister aux assauts permanents du mal et à accueillir la rédemption divine. Le mal doit ainsi être combattu en une lutte perpétuelle.
Selon la perspective augustinienne qui s’impose durant tout le Moyen Âge, le mal se conçoit par rapport au bien, incarné par un Dieu absolument bon et juste, toujours triomphant, même s’il peut laisser agir le mal en vue d’un plus grand bien. La souffrance infligée par Dieu est une manifestation divine qui utilise les moyens du mal dans le monde pour accompagner l’homme sur le chemin du rachat (Mal comme providence). Le bien et le mal entretiennent donc des rapports complexes et étroits.
Tout d’abord un rapport d’opposition, de lutte plus ou moins violente entre les forces du bien et du mal. Ce combat peut être incarné (figure de l’ange-gardien) ou se dérouler en l’homme (entre les vices et les vertus) (Mal combattu). Le bien et le mal sont aussi caractérisés par une porosité réciproque, qui se traduit entre autres par les phénomènes de contamination du bien par le mal et de rachat du mal par la foi.
Le mal se définit par antagonisme au bien mais il affecte aussi de l’imiter (voir Mal comme stratagème) ; il reste néanmoins toujours subordonné au bien. Satan, incarnation du mal par excellence, appartient à la Création et n’agit que dans les limites de la volonté divine. La croyance en un mal existant par lui-même, par exemple sous la forme d’une divinité diabolique, est une hérésie. Néanmoins, une doctrine comme le manichéisme affecte les écrits d’Augustin d’Hippone, et le Moyen Âge connaît parfois des tendances dualistes, notamment le Catharisme.
Le diable est omniprésent et protéiforme dans les images médiévales. Il trouve sa source dans le Nouveau Testament. Il est désigné par une multitude de noms (la multiplicité étant aussi une caractéristique du mal), mais ses désignations les plus courantes sont basées sur les termes grecs diabolos (« calomniateur ») et daemon (« esprit », bon ou mauvais), ainsi que sur le terme hébreu ha-satan qui signifie « adversaire », qui désigne l’ange chargé d’éprouver les justes dans le livre de Job, ainsi que le chef des démons dans des textes apocryphes. C’est cette dernière idée qui est reprise au Moyen Âge. Le nom de Lucifer, celui qui « porte la lumière », a quant à lui une connotation plus princière. À partir de la tradition biblique, la chute des anges rebelles, puis l’avènement de Satan constituent l’origine du mal (Mal en soi).
Le péché domine le monde depuis l’épisode du péché originel, qui introduit le mal dans le monde. Il est la source de tous les autres péchés et la raison pour laquelle tous les hommes naissent pécheurs (Mal en l’homme). Au Moyen Âge se mettent en place une classification et une gradation des péchés. Certains sont véniels, d’autres mortels. Seuls les premiers peuvent être rachetés par la pénitence. La classification la plus connue est celle des sept péchés capitaux, inventée par Cassien et popularisée par Grégoire le Grand, qui connaît un grand succès dans la littérature et les arts du Moyen Âge. Les mécanismes menant au péché sont divers, conscience et libre-arbitre jouent un rôle déterminant dans le processus. Aussi existe-t-il une différence entre le vice et l’action peccamineuse : l’action peccamineuse est purement extérieure (et se produit par exemple sous l’action d’un démon) alors que le vice est issu de la corruption de l’âme. Le péché est une action ponctuelle ou répétée, tandis que le vice s’enracine dans l’homme et dure dans le temps.