Lumière comme principe de distinction

Thématique iconographique

Comme dans toute culture, les couleurs médiévales sont organisées en système et renferment des polarités (un schéma organisateur de couleurs retenues comme telles) et des valeurs (qui conditionnent leur appellation). La lumière est donnée au monde lors de sa création. Elle est la première des créatures générée par le Verbe-Logos : « Dieu dit : ‘Que la lumière [lux] soit’ » (Gn 1, 3). Elle est aussi la première créature qualifiée positivement dans la Bible, en ce qu’elle est dite « bonne » et séparée des ténèbres par le Créateur (Gn 1, 4). Cette lumière structure l’informité primordiale de la Création (Les déclinaisons matérielles de la lumière créée). Elle recouvre partiellement et organise, contraint donc, l’obscurité liée au chaos des premiers versets bibliques. Ce plan antagonique est un topos de la littérature comme des images chrétiennes, dès lors qu’est évoquée la lutte de Dieu contre le mal (Le blanc et le noir comme signes du Bien et du Mal).

Essence la plus pure et la plus intime avec le divin, la lumière primordiale n’est pas corporelle, et plutôt imaginée comme d’une blancheur absolue, quasi immatérielle (Grégoire de Naziance, Basile de Césarée, Heptameron, adapté par saint Augustin, De Genesi ad litteram). Parce qu’elle préexiste aux astres mais articule, déjà, le jour et la nuit, Augustin l’identifie à la substance dont sont faits les anges, ces premières créatures spirituelles : l’alternance jour-nuit se veut le mouvement de connaissance qui va de la créature vers le Créateur puis de la créature vers elle-même, ce dont la théologie se saisira bien sûr. Cette lumière spirituelle et angélique est la même que celle qui caractérise certains corps terrestres, qu’ils en perçoivent la Vérité prophétique ou qu’ils en soient le temple saint, le réceptacle après le Salut. Elle est rendue par la couleur blanche mais aussi par le halo doré des nimbes que les Latins déploient autour des figures saintes (voir Corps spiritualisé). Cette lumière spirituelle peut être graduée, en particulier dans le contexte néotestamentaire de l’Incarnation, et certains métaux et pigments en déclinent visuellement la hiérarchisation (La lumière comme marqueur de sainteté), de même qu’ils spécifient et ordonnent les épaisseurs, poids et densités des matières déposées dans le monde sensible (Lumière et densité : les degrés de spiritualité de la matière). En d’autres termes, la lumière est l’un des vecteurs iconographiques majeurs de la qualification chrétienne des substances.

Les luminaires créés le quatrième jour sont, pour leur part, matériels. Colorés et dynamiques, ils sont distincts de la lumière primordiale qui émet son rayonnement hors d’eux, mais ils n’en sont pas non plus coupés : ils en restituent une part sensible à l’univers qu’ils contribuent ainsi à éclairer tout en lui donnant son temps cosmiqe (Lumière et temps cosmique voir Temps de Dieu. Ils anticipent ainsi la lumière paradisiaque de la fin des temps dont les propriétés de spatialité ne sont pas les mêmes que celle de la lumière terrestre (lumière paradisiaque, voir Espace comme place).


Rédaction

Isabelle Marchesin / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Isabelle Marchesin / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « Lumière comme principe de distinction » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 09 mai 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/954