Temps de Dieu

Thématique iconographique

On peut appréhender le temps proprement divin de trois manières : comme une mise en ordre réglée par les cycles de ce qui est créé et doit fructifier, comme le cours providentiel du temps historique et comme éternité.

Le temps de la vitalité, dans lequel s’inscrit l’existence humaine, est celui qui est le plus aisément accessible aux médiévaux. Cette connaissance rationnelle, consolidée par des savoirs empiriques et des sciences, permet d’identifier la présence divine dans le monde sensible, à travers des lois qui régissent les cycles naturels de génération, de fructification et de mort. Ces cycles sont aussi bien ceux des phénomènes cosmologiques et naturels, du mouvement des astres à la croissance des plantes, que ceux qui régissent la vie humaine, dont les différentes étapes sont, elles aussi, un accomplissement des lois divines. Ce n’est cependant que de manière partielle qu’est appréhensible cette mise en ordre du temps par la Sagesse et par la Providence de Dieu.

En effet, le temps du monde terrestre, sublunaire, est caractérisé par son écoulement ; il est en cela radicalement différent du temps divin, dans lequel toute durée s’abolit : « devant le Seigneur, un jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un jour » (2 P 3, 8).  Il ne s’agit pas d’un temps dont l’étendue serait si vaste qu’elle dépasse l’entendement, mais plutôt d’un présent continu, fixe et immuable, en-dehors du temps qui apparaît lors de la Création, et où toutes choses existent simultanément, ce qu’explique Augustin d’Hippone :  « toutes les choses sont dites éternellement et elles le sont toutes ensemble. Autrement il y aurait des temps et des changements de Dieu : et ainsi il ne jouirait point d’une véritable éternité, ni d’une véritable immortalité » (Confessions, XI, VII).

De cette éternité de Dieu, présent continu qui ne connaît pas les limites du temps de la Création, découle une expression du dessein divin selon une temporalité propre, qui rassemble en un point unique tout le déroulé de l’histoire du monde. Le Logos, lui-même inaltérable, présent aussi bien au commencement qu’à la fin du monde, contient l’intégralité des créatures et de leurs possibles mutations : « tout ce qui commence d’être et puis cesse d’être, commence et cesse alors d’être quand cette raison éternelle [le Verbe] connaît qu’il a dû commencer et cesser d’être, quoiqu’en elle rien ne commence et rien ne cesse » (Confessions XI, VIII). Le déploiement du dessein de Dieu dans le monde est précisément le point d’articulation de ces deux régimes de temporalité distincts.

L’exégèse, qui scrute les signes de la présence continue du Christ Logos dans les écritures, permet de faire une lecture signifiante de la manifestation providentielle dans le temps. L’Évangile dresse en effet une histoire qui, partant du passé biblique ouvert par l’expulsion du paradis, prépare la fin des temps dont le terme implique le rachat du péché originel. Cette boucle temporelle résume la préparation de l’humanité au salut, et peut être comprise comme un temps du retour vers Dieu.

L’Incarnation en est le pivot : donnant sens et unité à l’ensemble de l’histoire sainte, elle matérialise le renouvellement de l’alliance, son accomplissement qui fait entrer l’humanité dans son dernier âge avant la fin des temps. L’Incarnation, parce qu’elle marque l’accomplissement des prophéties et signale la providence divine, donne rétrospectivement sens à tous les événements qui l’ont précédée et, à ce titre, permet l’unification du temps de l’historia, dont elle est le point culminant.


Rédaction

Nicolas Varaine / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Nicolas Varaine / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « Temps de Dieu » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 19 mai 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/1036