Temps comme expérience individuelle

Thématique iconographique

Au cours d’une vie de chrétien, l’individu peut faire l’expérience de deux modes d’écoulement du temps : l’un, linéaire, est orienté vers le salut ou la damnation ; l’autre est cyclique, soumis aux rythmes de la nature et de la scansion liturgique réglée par l’Église. Si l’éternité reste hors d’atteinte de l’intelligence, l’intervalle d’une vie humaine rend témoignage, à son infime échelle, des deux régimes temporels dynamiques émanant de Dieu.

C’est d’abord en sa condition de créature de chair que l’humain fait l’expérience du temps, puisque ce dernier inscrit tous les corps terrestres vivants dans un cycle naturel de croissance, de fructification, de dégénérescence et de mort (Décrépitude de la chair).

Toutefois, le passage du temps dans la vie humaine permet aussi l’accumulation des actions menant à la spiritualisation et à la rectitude requises pour accéder au salut ; de même, le temps de vie permet d’accroître les savoirs et compétences spirituelles et intellectuelles d’une Sagesse humaine en tension vers la Sagesse divine (Progression dans la Sagesse). De fait, le chrétien se trouve à la fois soumis au régime naturel de sa vie individuelle limitée par la mort, et à celui de l’inexorable avancée de l’ensemble de l’humanité vers le jugement de la fin des temps qui déterminera l’entrée au Paradis ou le séjour en Enfer. C’est dans ce seul intervalle de vie singulière qu’il peut préparer son Salut (même si son âme est aidée par les suffrages de ses proches après sa mort). Ce salut est irréductiblement lié à la grâce et aux sacrements purificateurs que dispense l’Église ; mais il ne peut s’opérer sans l’exercice de choix du Bien ou du Mal que chacun peut faire avec la liberté ontologique qui lui a été donnée par Dieu. Ce n’est qu’en choisissant librement le Bien par une conversion continuellement répétée, que le chrétien met à profit le temps qui lui est imparti pour se rapprocher de Dieu, c’est-à-dire pour réunifier son corps et son âme et retrouver la similitude divine perdue avec le péché originel. (Réforme individuelle).

Si la définition des vertus et des péchés ne change pas au cours du Moyen Age, les bonnes actions et les bonnes attitudes dévotionnelles peuvent prendre des formes différentes selon les époques (et les débats furent nombreux, comme ceux qui ont concerné la dispensation des richesses ou la guerre sainte) ; toutes doivent en revanche être réalisées dans le Christ, c’est-à-dire en vérité, à partir du cœur diraient les médiévaux, ce qui en conditionne la validité. Parmi ces œuvres pieuses, la dévotion permet à tous de consacrer de son temps de vie au Créateur. Celui-ci est alors  comme suspendu dans la rencontre avec le divin, suspension du temps linéaire dans la méditation sur les textes, dans l’étude, l’ascèse ou dans la plénitude de l’instant de la prière (Suspension du temps dans la prière).

La vie monastique porte à son paroxysme cet effort du retour vers Dieu, en organisant le temps quotidien dans son intégralité : scandé par les offices, le chant des psaumes, ce temps est tendu tout entier par un exercice de conformation angélique. De la même façon, le temps de vie des clercs, c’est-à-dire des pasteurs de l’Église, est tout entier consacré à l’accompagnement des fidèles vers le salut. Plus généralement, le christianisme applique sa logique de soumission à la volonté divine en considérant que le temps de vie d’un chrétien doit servir le projet divin, de sorte que si les clercs et les moines le font dans un format proprement liturgique, les laïques se doivent d’accroître le peuple de Dieu en étant féconds, le temps de vie étant alors celui d’une injonction à l’engendrement d’une descendance la plus vaste possible (Temps de vie offert à Dieu).


Rédaction

Nicolas Varaine / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Nicolas Varaine / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « Temps comme expérience individuelle » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 03 décembre 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/1038