Médiation christique
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La différence de nature entre Dieu, créateur et infini, et l’être humain, créature finie, rend impossible toute relation directe entre les deux et, à la différence des anges, l’humain ne peut participer à la gloire de Dieu sur terre : l’Ancien Testament souligne déjà que cette radicale incompatibilité rend mortel pour l’humain tout contact avec la divinité (Ex 33, 20). Cet écart ontologique entre le créateur et sa créature a été creusé par le péché originel, qui a introduit la mort comme une séparation entre le corps, mortel, et l’âme, immortelle (voir Mort comme conséquence du péché).
Toutefois, le projet de Dieu pour l’humain vise à la divinisation de sa créature pour pleinement l’associer à sa vie éternelle. Il faut donc que Dieu agisse en et pour l’homme afin de combler la différence entre leurs deux natures. Pour cela, Dieu choisit d’entretenir avec les hommes un rapport médié, rendu possible par le Verbe incarné, le Christ. En s’incarnant en homme, Dieu permet à l’humain de se conformer à lui en observant et en écoutant son Fils et en tentant de l’imiter.
En effet, le Christ, entièrement homme et entièrement Dieu, est seul capable de combler l’écart ontologique entre le Père et les êtres humains, au niveau individuel et au niveau collectif car c’est « en lui (le Christ) qu’ont été créées toutes choses » (Col 1, 16). La médiation du Christ, Verbe de Dieu, agit dès le commencement (Jn 1, 1) sur la création (Jn 1, 3 et Jn 3, 1-9), régit l’Ancienne Alliance (1 P 1 ,11) et permet le renouvellement de cette Alliance (voir Mutation comme accomplissement providentiel). Dans le christianisme, toute médiation est donc nécessairement christique : les êtres humains sont recréés dans le Christ, réunis au Père par le Christ et ils constituent tous un seul corps collectif, l’Église, qui demeure dans le Christ. De même, la connaissance de Dieu n’est possible que parce que le Christ envoie son Esprit, que l’on nomme l’Esprit saint, aux êtres humains. Chez saint Paul et dans la lettre aux Hébreux, tout se fait ainsi en direction du Père mais par l’entremise du Christ, comme le répète la formule conclusive des oraisons employées dans la liturgie chrétienne : « Par (per) Jésus Christ ton Fils notre Seigneur ».
Parce que le Verbe existe de tout temps depuis le commencement, toute personne médiatrice de la volonté et de la parole divine, avant et après l’Incarnation (voir Verbe) est une figure du Christ médiateur. La médiation se définit alors comme un processus qui se révèle à travers l’histoire dans laquelle Dieu a choisi d’agir.
Dans la vie de l’Église, la médiation se fait dans deux dimensions : une dimension verticale et une dimension horizontale. La dimension verticale est à double-sens : le rapport médié entre Dieu et les hommes ne se joue pas seulement dans un sens descendant (de Dieu vers les hommes) mais également dans un sens ascendant (des hommes vers Dieu). Cela se traduit par un mécanisme de relais entre Dieu et les hommes, qui articule les dimensions collectives et individuelles de la médiation déléguée par le Christ. La direction ascendante de la médiation implique une participation des croyants dans leur relation à Dieu : cette notion est fondamentale car c’est à travers elle que se mettent en œuvre la liberté et la volonté du croyant (Médiation christique comme participation).
La dimension horizontale se joue dans le fait que le rapport médié à Dieu unit, en la personne du Christ, l’ensemble de la communauté des croyants, les vivants comme les morts qui forment le corps du Christ, c’est-à-dire l’Église. En ce sens, la médiation agit comme liant entre les fidèles, ordonnant les relations entre les uns et les autres. Tous baptisés, les chrétiens sont les uns pour les autres, dans leur quête de pureté et donc de sainteté, autant de traits d’union avec le divin. Ils doivent être les uns pour les autres l’image du Christ (Rm 8, 28-30) dont ils portent le nom (les Chrétiens). Chacun, au moyen de son ascension spirituelle, peut donc mettre en contact l’autre avec Dieu. En effet, chacun a reçu l’Esprit saint lors de son baptême (voir Sacré comme essence) et tous se retrouvent unis dans une Église temporelle et visible liée à l’Église spirituelle et invisible. En d’autres termes, la mort ne rompt pas le lien communautaire qu’opère le Christ.