La matière corrompue par le Mal

Thématique iconographique

Le livre de la Genèse propose un double récit de la création du Paradis terrestre puis de sa destruction. Le premier chapitre évoque la création de la terre et l’articulation de l’ensemble du vivant, tandis que le second chapitre se concentre sur le façonnage de l’homme, son installation dans le Jardin paradisiaque, les commandements qu’il lui impose, puis la compagne qu’il fait jaillir de sa côte. Ces deux récits sont identiquement importants pour comprendre le devenir de la matière terrestre.

Dans le premier livre de la Genèse, une fois l’air (le firmament), les eaux et la terre séparés, Dieu crée les végétaux avec leurs semences respectives, avant d’y adjoindre les astres (le feu) qui en conditionnent les cycles journaliers et saisonniers, c’est-à-dire la croissance et la fructification. Puis il installe sur cette terre paradisiaque les reptiles, les volatiles, et les animaux marins et terrestres, puis il crée l’humain. Tous les êtres animés prennent leur nourriture dans les végétaux, et l’humain domine sur les autres. Ce cycle de la vie naturelle est parachevé par l’adjonction d’une source, scindée en quatre fleuves irriguant la terre dans le second récit (Gn 2, 6 et Gn 2, 10-14). Ils apportent la vie à l’herbe que mangent les animaux, aux arbres que mangent les humains (Gn 2, 9), à l’exclusion de l’arbre interdit de la connaissance du Bien et du Mal. Le troisième livre de la Genèse raconte comment cet interdit est transgressé. Loin d’être seul puni, l’humain voit l’ensemble de l’écosystème paradisiaque se détériorer à la mesure du Mal qu’il y a introduit : « [Dieu] dit à Adam : Parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé du seul arbre dont je t'avais prescrit de ne pas manger, maudite soit la terre à cause de ton œuvre ! Dans les efforts tu en mangeras l'ensemble des jours de ta vie !  Elle fera germer pour toi des épines et des chardons, et tu mangeras l’herbe de la terre » (Gn 3, 17-18). Par un mécanisme anthropocentrique radical, la terre se dessèche, empoisonnée à son tour par le Mal (L’altération de la terre par le Mal). La Loi naturelle qui s’installe alors à l’ensemble de cette matière terrestre abîmée se lit à l’aune de la chair animale dont sont faits les humains : elle est soumise à la souffrance et à la dégénérescence, à la mort et à la désagrégation (elle redevient poussière). Pourtant, et de façon paradoxale mais compréhensible, les artefacts médiévaux ne présentent ce devenir des corps qu’en regard d’un plan d’espérance de leur transformation ultérieure (Les deux états matériels de la chair).


Rédaction

Isabelle Marchesin / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Isabelle Marchesin / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « La matière corrompue par le Mal » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 21 novembre 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/1195