La figuration mimétique du monde

Motif iconographique

La syzygie des éléments décrit un phénomène général de la structure des étants, puisque tous les corps et même les pierres sont composés, à des degrés divers, des quatre éléments.

Le premier diagramme en entier se présente sous la forme d’une rosace qui rassemble d’une manière synthétique un ensemble d’informations. Cette forme permet de souligner avec une grande efficacité les rapports de symétrie et d’asymétrie entre les quatre éléments et leur qualité. On lit en effet aux quatre coins du diagramme : le feu (ignis), qui porte la couleur rouge, l’air (aer), qui porte la couleur bleue, l’eau (aqua) le vert et la terre (terra) le brun. Les quatre éléments partageant des qualités, l’enlumineur a dessiné des arcs de cercle qui les réunissent graphiquement deux par deux. L’ensemble se présente sous la forme d’une fleur aux quatre pétales. Entre chacun des pétales, l’enlumineur a encore souligné le fait que les éléments et leur qualité peuvent être groupés deux par deux et en même temps s’opposer. Le caractère très synthétique de la représentation rend cette forme particulièrement efficace pour rendre compte d’une structure fondamentale de l’univers, et en facilite la compréhension et surtout mémorisation. C’est précisément ce caractère de lisibilité qui permet d’articuler différentes informations par des rapports de symétrie et semble constituer la spécificité des diagrammes dans la première partie du Moyen Âge, depuis le Ve siècle environ. Les diagrammes anciens ne donnent pas à voir une « image » de l’univers, au sens où l’image serait frappée par un caractère minimal de mimétisme avec son référent, mais donnent à lire les principales qualités dont il est composé.

Un siècle plus tard, la représentation des quatre éléments telle que nous pouvons l’observer dans un manuscrit de l’Image du monde de Gossuin de Metz se présente bien différemment. Gossuin explique que la terre est ronde au milieu du monde et qu’autour sont disposés eau, air et feu. Le schéma des éléments, dans lequel les inscriptions prennent beaucoup moins de place, a été figuré sous la forme de cercles concentriques : au centre, la terre en brun, puis, autour, l’eau en vert, l’air en bleu, avec des points noirs, et le feu en rouge ; par-delà les éléments, il a aussi peint « l’air pur », cette « clarté » qui est comme un « air spirituel » et « environne » les quatre éléments, c’est-à-dire le ciel. La conjonction des quatre éléments est toujours considérée comme à la base de la composition des étants, ils sont peints sous la forme d’orbes colorés concentriques qui présentent chaque élément comme enveloppé par le précédent : la terre flotte au milieu de l’eau, elle-même cernée par un ciel tacheté (une évocation de nuages ou tout du moins d’une matérialité qui disparaît dans le ciel pur) ; puis vient le feu qui ceinture le tout, rempart brûlant et éclairant le monde du soleil, puis le bleu délavé de blanc (voir Lumière et densité : les degrés de spiritualité de la matière) du ciel supra lunaire. Au schéma antérieur se sont donc ajoutées substantialité, disposition relative et localité nouvelles, qui rendent compte d’une volonté de figurer les éléments en tant qu’ils se déclinent dans le monde sensible, et tels qu’en rend compte la Physique d’Aristote. On ajoutera que cette figuration a été inscrite dans un large cadre, de sorte qu’elle n’est plus un schéma explicatif, mais qu’elle est devenue une image, une représentation qui se veut mimétique.


Rédaction

Isabelle Marchesin / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Isabelle Marchesin / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « La figuration mimétique du monde » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 21 novembre 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/1177