Amour comme lien social

Thématique iconographique

Comme cela est expliqué dans l’introduction, l’amour reliant Dieu à l’âme de ses fidèles est le modèle de l’amour que les humains doivent vivre entre eux. Expérience émotionnelle de la foi, il intéresse les théologiens médiévaux autant que son archétype divin, et tout particulièrement ceux qui sont liés à la culture monastique, comme Bernard de Clairvaux (De amore Dei) ; composante essentielle de la conformation de l’âme à l’imago dei, il permet d’aimer à partir de l’amour reçu, et donc du divin en soi.

Le terme caritas, qui fut d’abord associé à la raison, est surtout utilisé pour qualifier le lien social et familial. Il ne s’ancre pas, comme amor, dans les sentiments, mais relève d’une pratique qui émane de l’amour de Dieu. Dans l’Évangile de Mathieu, Jésus donne le commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 37). Ce commandement enjoint à la bienveillance et à l’amour-charité envers ses semblables. En d’autres termes, à l’image d’un Dieu qui aime l’ensemble de sa création, l’homme est sommé d’aimer et d’aider tous les êtres sans distinction. Le modèle le plus simple et le plus vertueux de la charité est l’aumône aux pauvres que prône le Christ (Mt 19, 21), qui doit se faire dans l’amour du prochain, et dont il est annoncé qu’elle sera reconnue et restituée par Dieu au bienfaiteur (2 Cor 9, 9) (Charité et Amour du prochain). Par-delà sa dimension morale, cette charité en acte a donc une fonction opératoire (le pauvre permet au riche de faire son Salut) que l’on retrouve dans le système de don qui propre à la société chrétienne médiévale. Tout don, qui dans les faits est un don à l’église du fidèle, est fondamentalement un don à Dieu. Le clergé, en tant qu’institution, s’insère comme intermédiaire du transfert vers Dieu en tant que garante des rétributions future (voir Sacré comme transfert vers le divin). Le système classique de don / contredon ne se pense, au Moyen Âge, que dans un échange à trois partis polarisé vers Dieu. Ainsi par l’entremise de la liturgie et par la prière, le bien matériel est transformé en bien spirituel, et peut être reçu comme tel par Dieu, soit qu’on le remercie de ses bienfaits, soit que l’on requière sa grâce en retour pour soi ou pour un tiers, vivant ou mort (Le don).

Certains liens d’amour entre individus sont plus spécifiques. L’amicitia désigne, depuis saint Augustin, le lien social qui unit les humains autour d’un amour d’amitié, la dilectio. Attitude de bonté, d’attachement mais aussi d’humilité envers son prochain dans la foi, elle lie des individus qui vivent dans une communauté (Amour fraternel). Le terme grec philia, désigne l’ensemble des sentiments liés à l’attachement, à l’affection entre deux personnes. Lorsque celle-ci est parentale, philia unit les cœurs des êtres de même sang, engendrant l’Amour filial. Aimer sa famille revient, dans la foi chrétienne, à croire en la puissance du lien d’amour transmis par Dieu qui unit l’humanité. La famille devient le reflet de ce que Dieu attend de ses fidèles. Et en créant une compagne pour Adam, Dieu a aussi engendré un principe d’union : hommes et femmes sont égaux devant le Christ, même si leur relation est socialement organisée, dans la Bible comme au Moyen Âge, sur l’assujettissement de la femme à l’homme. Dans cette union destinée à la procréation, comme l’a établi saint Augustin, les créatures fertiles nouent leur amour en Dieu dans la mesure où elles vivent dans sa Loi (Union en Dieu).


Rédaction

Camille Ambrosino / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Camille Ambrosino / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « Amour comme lien social » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 19 mai 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/1139