La mise en espace du sacré par la lumière

Motif iconographique

L’Annonciation de Vanni explicite de façon particulièrement sensible comment les sources de lumière et les images sont articulées dans l’édifice ecclésial, afin de qualifier la nature et l’action de la lumière tout en instruisant l’espace dans sa fonction liturgique. La fresque de Vanni intègre la fenêtre axiale qui permet d’éclairer l’autel placé juste en-dessous d’elle. De part et d’autre cette fenêtre réelle, la Vierge et l’ange se font face, mais à travers deux autres fenêtres, fictives cette fois-ci, qui sont ouvertes et dessinées dans l’épaisseur de murs tout aussi fictifs. Cette superposition de l’espace réel et de l’espace fictif amène à comprendre la transformation de la lumière naturelle qui pénètre dans l’église en celle, enrichie et spirituelle, qui est sensible sur l’autel.

On distingue dans cette image trois types de lumière. La première est la lumière interne à l’image. Strictement picturale, elle éclaire Marie et Gabriel de façon illusionniste, modèle les corps et les bâtiments par les jeux de couleurs, et permet de voir la scène qui se joue dans l’architecture fictive. La deuxième est la lumière divine, qui se manifeste sous la forme de rayons jaillissant de la dextre du Christ placé dans le médaillon surmontant la voûte à caisson de la fenêtre. Cette lumière divine transcende à la fois l’espace fictif de l’image et l’espace réel de la fenêtre, pour venir se poser sur la tête de la Vierge, sous la forme de la colombe de l'Esprit Saint.

La troisième est la lumière naturelle qui entre par la fenêtre de l'édifice. Cette lumière naturelle remplit plusieurs rôles. En passant à travers la vitre de la fenêtre sans la briser, elle exprime subtilement que Marie est restée vierge tout en concevant Jésus (une image souvent utilisée dans l'exégèse et dans les figurations de l'Annonciation). Elle évoque également une lumière descendue du ciel, similaire à celle qui se pose sur la tête de Marie dans la scène de l'Annonciation. Manifestant la descente du Christ sur l'autel, elle rappelle les conditions de la transformation des espèces qui, pendant le sacrement eucharistique, deviennent chair et sang du Christ. Si cette lumière naturelle entrant dans  l'édifice ecclésial n'est pas directement performative, elle signale la véracité de ce qui se joue sur l’autel.

L'entrelacement des trois types de lumière dans l'église, au sein d'un unique système perceptif (image, édifice et monde extérieur), construit des polarités et des circulations entre l'extérieur et l'intérieur, entre le divin et l'humain, entre l'espace fictif et le fidèle, qui guide ce dernier non seulement dans sa compréhension du rituel mais lui permet aussi de faire une expérience théologique de l'espace sacré.


Rédaction

Mecthilde Airiau / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Mecthilde Airiau / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « La mise en espace du sacré par la lumière » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 21 novembre 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/967