Lumière comme principe esthétique
Thématique iconographique
Si la lumière est profondément dynamique du fait de sa propagation dans l’espace (voir Lumière comme agent dynamique), elle est aussi, et avec un impact cognitif peut-être plus grand encore, constamment changeante, vivante.
Dans le monde médiéval, la lumière extérieure ne provient que de la lune et du soleil, qui, par leur course céleste, modifient l’intensité de la luminosité et orientent leurs rayons à la mesure des heures, des jours et des saisons. La lumière solaire est celle-là même que les baies laissent pénétrer dans les édifices religieux. Du fait de la qualité des astres à réfléchir et prolonger la lumière primordiale, la lumière solaire est intégrée au processus d’animation des édifices religieux. Elle contribue à les poser en édifices vivants et sacrés, c’est-à-dire en lieux où se trouve, réellement, le Dieu vivant ; la pénombre liturgique du Samedi saint s’en veut, du reste, une démonstration in abstentia (L’illumination de l’église comme présence divine). Distribuée dans les parties hautes des édifices, absides et coupoles, ou bien déversée par des verrières, la lumière se pose en médium céleste : elle opère une délocalisation du croyant, et lui donne accès à une vision transcendante, car participative à la lumière, des Vérités divines (La lumière comme médium anagogique).
La lumière artificielle (comme les chandelles) prolonge et complète l’action de la lumière astrale, mais elle reste fondamentalement perçue dans sa matérialité. Elle est en effet produite par des flammes qui proviennent de la combustion de matières premières, cire d’abeille et huile d’olive pour la liturgie, bois et graisse animale pour le profane. Cette lumière artificielle possède deux propriétés qui sont utilisées dans la configuration et les usages des artefacts chrétiens.
La matière première des luminaires disparaît à proportion de l’émission lumineuse, ce qui autorise des développements théologiques sur la transformation de la matière en lumière, tout particulièrement lors de l’eucharistie (Les luminaires signes de l'action divine).
La deuxième propriété de la lumière artificielle est sa chaleur et son intense vibration. Elle guide le regard vers les artefacts et les transforme, au sens propre, lorsqu’elle se réfléchie en eux et en dévoile la splendor ou la claritas. La lumière se fait alors herméneutique : la beauté qu’elle révèle dans ces objets n’est autre que la vérité ontologique de leurs matériaux. La lumière réduit ainsi l’altérité substantielle entre la matière terrestre et la substance divine, et rend les artefacts dignes de Dieu, c’est-à-dire convenables pour en accueillir la puissance performative (Les écrins de la virtus).
Pour leurs artefacts, les médiévaux choisissent les matériaux qui interagissent le plus efficacement avec la lumière, c’est-à-dire ceux sur lesquels elle a le plus grand pouvoir de transformation. Les plus nombreux sont les pierres précieuses, les métaux, et l’or tout particulièrement que rien n’altère dans le temps alors que les autres métaux sont soumis à des processus d’oxydation. S’y adjoignent le cristal et le verre, dont la qualité est d’accueillir si parfaitement la lumière qu’elle vient, en quelque sorte, se substituer à la matière première (L'eau-lumière). Ils utilisent aussi les pigments et les sels métalliques colorés pour leurs peintures et leur calligraphie. Sur les murs des églises, tout autant que dans les manuscrits, ces couleurs, qui ne sont que des déclinaisons de la lumière dans sa rencontre avec la matière du monde, sont disposées de sorte à révéler, par leur beauté, la Vérité de l’histoire sainte (La lumière des Écritures).