La ré-harmonisation du monde par David-Christ
Motif iconographique
David, couronné et assis sur un trône pliable (curule) apparaît en musicien, c’est-à-dire en tant qu’auteur et compositeur des Psaumes que Dieu lui a inspirés et instaurateur de son culte à Jérusalem. Le roi ne joue pourtant pas de sa harpe, il l’accorde à l’aide d’une clé qu’il tient dans sa main droite alors qu’il établit l’accord obtenu entre le pouce et l’index de sa main gauche qui pincent la première et la deuxième cordes. David pose aussi le plat de sa main ouverte sur le plat de cordes, montrant par là qu’il établit une harmonie totale au sein de l’instrument.
La harpe a été sculptée avec un soin poussé jusqu'au respect de son harmonie. Si nous prenons pour valeur également à 1 la mesure de la première corde, celle située au niveau du pouce du roi, on se rend compte que la deuxième corde (située au niveau de son index) vaut 1:9 de la première, proportion musicale qui donne un ton, la troisième 3:4 (quarte), la quatrième 2:3 (quinte) et la dernière 1:2 (octave), si bien que cette harpe de pierre est accordée.
L’harmonie musicale investit le personnage et son agencement dans la niche. Pour représenter cela, le sculpteur s’est servi de la harpe comme module constructeur de sa composition : celle-ci, de forme triangulaire, est contenu dans un rectangle de proportion égale à celui qui contient le trône, placé dans sa continuité, et dont l’armature cruciforme marquerait les diagonales. Le corps se répartit de part et d’autre de ces deux formes proportionnées pour occuper avec élégance le champ sculpté qui lui est imparti tout en respectant rigoureusement les limites posées par les bordures de la niche. Ses jambe croisées sous l’instrument dévoilent sa jambe droite, rappelant que le roi a dansé nu devant Dieu par humilité au moment du transport de l’arche d’Alliance à Jérusalem (1S 6, 12-23). Le pied droit, posé sur l’armature du trône, attire le regard sur sa structure cruciforme qui annonce la croix du Christ, et sous lequel une bête monstrueuse est terrassée sous les pieds du trône et sous le pied gauche de David.
L’ensemble de ces moyens formels et significatifs disposés dans une composition rigoureuse montrent que les proportions musicales sont en mouvement pour investir toute la sculpture de la harpe à la posture de David et son intégration dans la niche. L’instrument qu’accorde David sous inspiration divine est ainsi porté comme le signe du Verbe en acte qui redonne au monde la perfection des proportions mathématiques qui le composaient avant la Chute, régies par la Loi que Dieu a mis dans la création et réglées par la Sagesse divine. Cette puissance du Verbe est accomplie par la Croix au sein de l’Église : la bête monstrueuse, qui elle ne respecte aucune de ces proportions et dépasse du cadre, évoque le désordre éradiqué d’un monde qui retrouve sa perfection divine sous le règne du Christ annoncé par le roi David.
Ce relief trouvait parfaitement sa place à l’entrée de la salle capitulaire, lieu où se réglaient les affaires juridiques et financières de l’abbaye et là où la discipline des moines était affirmée et maintenue sous l’autorité de l’abbé.