Assemblage hiérarchisé de lieux
Motif iconographique
Ce portail présente l’Église du Christ rassemblée à la fin des temps autour du Juge séparant les élus et les damnées. Toutes les composantes de cette assemblée sont disposées sur les ébrasements et les archivoltes du portail.
Les apôtres et les prophètes sont adossés aux colonnes qu'ils décorent. Chaque personnage a son lieu défini par rapport à son rôle dans l'histoire sainte. Ses pied repose sur un socle orné d'une jupe dentelée, sous lequel se loge un épisode de sa vie terrestre. Sa tête est surmontée d'un dais creusé de voûtes d’ogive. Ces microarchitectures ont pour effet de circonscrire la figure à son support (la colonne), de faire du support un lieu, une niche architecturale dans laquelle la figure est logée [S. Cloart-Pawlak, 2018] et de polariser les corps sur un axe terre-ciel qui est aussi l'axe de tension de l'élément d'architecture. Le même procédé ordonne les archivoltes qui constituent une voûte céleste peuplée des membres de l'Eglise réunie. Chaque figure est, là encore, logée dans une niche architecturale qui circonscrit son corps à son support (une figure par claveau) et l'oriente dans le sens de la poussée des arcs. La figure, l'architecture décorative et le support architectural constituent un module formel qui est répété pour déployer l'assemblée du Christ sur l'assemblage architectural du portail.
L'effet visuel radiant ainsi produit est centré sur le Christ parousiaque. Tous les personnages tournent leur regard vers lui ; dans le même temps, chaque niche, bien qu'isolée des autres, peut accueillir la lumière théophanique. L'illumination est toutefois progressive, elle dépend de la nature des êtres et donc de leur position par rapport à la source de lumière. Les êtres les plus spirituels, les anges, sont répartis au plus près du Christ du tympan ; les chrétiens qui ont été accueillis auprès de Dieu après leur mort et avant le Jugement dernier (les saints) sont en position médiane ; les humains qui n'ont pas vêcu sous l'ère de la Nouvelle alliance (prophètes, patriarches et rois de l'Ancien Testament) se répartissent progressivement vers l’extérieur. Notons qu'une progression similaire Ancien et Nouveau Testament se met en place dans la répartition des statues-colonnes des ébrasements. C'est le temps même de l'histoire de l'humanité qui est spatialisée et hiérarchisée autour du Christ en une synthèse qui abolit précisément le temps historique. L'abolition de ce temps s'articule avec une abolition de la spatialité elle-même, puisque l'ensemble des figures des voussures et des ébrasements est disposé de manière à suivre l'axe verticale ascensionnel dessiné par le Christ bénissant du trumeau, le Christ juge du tympan et le Fils de l'Homme qui le surmonte dans l'écoinçon sommital du tympan. Cet axe est précisément l'axe de réunion des poussées architecturale du portail.
Dans l'expérience du fidèle, le déplacement de l'extérieur de l'Eglise jusqu'à la porte qui l'y fait pénéter permet d'expériementer le temps historique et la hiérarchie qu'il a imposé aux figures du portail. Le fidèle progresse du temps de l'Ancienne alliance vers celui de la Nouvelle où il peut rencontrer le Christ dont les mains tendues montrent les plaies du sacrifice. C'est en passant par ces plaies que le fidèle pourra intégrer la verticalité de l'axe dessiné par les trois figures christiques.