L'autel, lieu du transitus eucharistique
Motif iconographique
Ce Christ en majesté est figuré sur la première page d’une double page ouvrant le Canon de la messe, à savoir le moment liturgique de la conversion du pain et du vin en corps et sang du Christ.
Le Christ dans sa mandorle est flanqué de deux séraphins dont les louanges (le Sanctus) tirées d’Isaïe (6, 3) et de l’Apocalypse (4, 8) sont inscrites en lettres d’or sur le pourtour supérieur de la mandorle. Plus bas, deux cortèges d’anges se rejoignent pour porter la base de la mandorle en cheminant le long d’une nuée conique qui forme un halo autour d’une église réduite à l’essentiel : son autel surmonté d’une croix et son enveloppe de pierre. Volontairement, la nuée prend la forme d’une montagne, le lieu qui dans l’Ancien Testament permettait la communication avec le divin.
Ici, l’église et son autel se présentent comme un « haut lieu » christianisé, le lieu d’une rencontre entre Dieu et son Église. Les prières et les offrandes de l’assemblée sont sublimées sur l’autel pour pouvoir accéder au ciel par l’intercession des anges cheminant sur les nuées vers la mandorle ; Dieu descend de son trône céleste pour siéger au milieu de son peuple en s’incarnant, au moment de la conversion des espèces, sur le trône-autel (sedes) que lui a édifié l’assemblée.
L’attraction vers l’autel des deux champs de l’image, le monde céleste de la mandorle et le monde terrestre, est mise en valeur par la disposition des symboles des quatre évangiles répartis dans les quatre cartouches d’angle de l’enluminure. Comme à leur habitude, les deux animaux terrestres, le bœuf et le lion, investissent les médaillons inférieurs alors que les symboles célestes, l’aigle et l’homme ailé, sont placés aux angles supérieurs. Les quatre symboles sont agencés pour que leurs regards pointent vers l’intervalle entre les deux mondes, là où les anges portent la mandorle. Dans cette zone médiane, se joue le transitus eucharistique, comblement de la distance qui sépare les deux mondes.