Mutation miraculeuse

Thématique iconographique

L’acte miraculeux, parce qu’il dépasse les lois de la nature, est souvent lié à la mutation d’un corps ou d’une matière, par transformation ou guérison. Ces processus sont par nature la preuve du pouvoir divin : seul Dieu a la capacité d’agir sur la matière et sur le monde ainsi que de déléguer ce pouvoir à celui qui le représente. L’accomplissement du miracle est un trait qui permet à la fois de reconnaître la divinité du Christ (dans les Noces de Cana, Jn 2) et la véracité du pouvoir échu aux représentants de Dieu sur Terre (par exemple le miracle du bâton d’Aaron devant Pharaon, Gn 7).

La mutabilité, considérée de façon générique, est l’un des traits caractéristiques de la matière qui est une substance plastique sujette au façonnage et au modelage, mais aussi sujette au changement substantiel. Dans ses Etymologies, Isidore de Séville la définit comme étant par essence une potentialité à devenir autre chose (Etymologiarum siue Originum, livre 19, 19.3-5), soit selon les lois de la nature, soit par la manufacture humaine. La matière porte en elle le principe et les lois de sa transformation. Par exemple, le vivant porte en lui et dès sa création la semence pour sa reproduction. La transformation est alors séminale. De même, l’homme peut, par son travail et ses efforts, convertir la matière en quelque chose de différent (mais similaire) ou en un artefact. Dans ces deux cas, l’action ne déborde pas le circuit de transformation prévu lors de la Création.

Dans le cadre du miracle, lorsque le pouvoir divin agit sur la matière, celle-ci peut se démarquer de ses potentialités initiales ou du processus naturel qui permet la transformation. Devant les mages de Pharaon, lorsque Moïse et Aaron changent leur bâton en serpent, la transformation est miraculeuse car elle se fait par l’action de Dieu : la mutation de la matière est ontologique, c’est-à-dire complète et définitive. C’est ce que les commentateurs chrétiens, Pierre Lombard et Thomas d’Aquin par exemple, dénient catégoriquement à la transformation opérée par les mages de Pharaon qui agissent, par la magie, sur la potentialité initiale de la matière à devenir quelque chose de différent mais produit par une transformation illusoire et non durable.

Dans le cas du miracle des Noces de Cana, l’eau étant similaire au vin, le miracle réside dans la capacité du Christ à transformer l’une en l’autre sans les étapes intermédiaires qui auraient été nécessaires aux hommes pour produire du vin selon les lois de la nature.

Dans le chapitre qu’il consacre à la question dans la Cité de Dieu, Augustin d’Hippone nie à toute autre personne que Dieu, et les dépositaires de son pouvoir, la capacité d’accomplir de réelles transformations ontologiques (dans la res). Tout ce qui ne relève pas des actions divines, qu’il s’agisse d’actes perpétrés par les démons, par les sorciers ou par les magiciens, n’est que du domaine de l’illusion ; en témoignent les nombreux récits hagiographiques où les saints rétablissent la vérité et l’ordre en rétablissant l’apparence véritable des choses.


Rédaction

Marion Loiseau / Direction scientifique Sébastien Biay, Isabelle Marchesin


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Marion Loiseau / Direction scientifique Sébastien Biay, Isabelle Marchesin, « Mutation miraculeuse » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 21 novembre 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/858