Stigmatisation
Motif iconographique
Conçue sur un modèle similaire aux autres enluminures du livre d’heures dont elle fait partie, cette image se décline sur plusieurs temporalités : celle de la crucifixion au centre, et celle des saints qui entourent la scène. Les liens qui associent la vignette principale aux vignettes marginales sont de deux types.
Le premier concerne le lien entre la vignette centrale et les deux vignettes marginales de gauche où se tiennent saint François d’Assise et sainte Catherine de Sienne. Ce lien est matérialisé par les regards que ces deux saints franciscains tournent vers la figure centrale du crucifié et il est souligné par le sang du Christ qui jaillit sur la Vierge et la Madeleine mais que l’on retrouve aussi sous forme de jets pointés vers les stigmates des deux saints des vignettes de gauche. Il s’agit là d’une réinterprétation de schémas iconographiques plus anciens de saint François, où les rayons de lumière touchent le corps du saint. Cependant, dans l’association entre la vignette centrale et les deux vignettes de gauche, la vision n’est pas directe, comme elle l’était sur ces représentations plus anciennes (chez Giotto, par exemple), et semble mettre en jeu une vision plus intérieure. À la place du Séraphin que figuraient Giotto et ses successeurs, et qui envoyait des rayons de lumière en œuvrant comme un agent de la stigmatisation, on trouve ici une vision intérieure, celle de la Crucifixion historique, c’est-à-dire l’épisode précisément représenté dans la vignette centrale.
Un deuxième type de lien s’établit entre la Crucifixion centrale et les saints contenus dans les vignettes inférieures. Sur la gauche, on trouve sainte Véronique montrant l’étoffe qu’elle avait portée au Christ pour soulager sa souffrance (essuyer le sang qui lui coulait sur le visage) et sur laquelle s’est imprimée la face du Christ. Cette sainte a été actrice de la Crucifixion. À ses côté, dans la vignette de droite, un saint ouvre sont cœur à la présence du Christ en le présentant à des rayons lumineux qui partent du bloc de texte qui le surmonte. Ces deux vignettes présentent deux modèles de réception du Christ d’une autre nature, mais qui affectent identiquement la matière : le linge et le cœur. De fait, le corps devenant image du Christ des deux saints latéraux fait écho au voile de Véronique ; le saint dont le coeur est transformé par les rayons lumineux y a placé non plus le Christ en tant qu’image physique mais le Christ en tant que Verbe qu’il fait entrer en lui par la prière. L’identification profonde au Christ permet de recevoir sa présence jusque dans sa chair. Si le réceptacle joue par définition un rôle passif, son implication dans un acte d’amour, c’est à dire son ouverture et sa disponibilité à Dieu, est la condition indispensable de la transformation-spiritualisation de la matière.