Processus intellectif
Motif iconographique
La peinture qui ouvre le MS 268 de la Morgan Library figure la Trinité sous la forme d’une entité tricéphale dont les trois visages se partagent deux paires d’yeux et sont réunis par un nimbe crucifère. Ces visages sont suffisamment individualisés pour exprimer l’unicité de chacune des trois personnes divines (hypostases), mais leur articulation exprime en même temps l’unité de leur essence. C’est le regard du spectateur, en tant que processus cognitif, qui distingue et réunit tout à la fois les trois visages : les yeux qu’ils se partagent introduisent une triple frontalité qui se brouille une fois l’attention visuelle plus soutenue et les paires d’yeux dénombrées. Dans un deuxième temps de scrutation, qui est le propre des images-schémas, le regardeur peut reconnaître trois personnages aux âges différents, sans réussir à en faire exister un seul isolément, ni à faire exister celui qui les réunit : le regard en quête de regard fuit et glisse constamment d’un point à l’autre de l’image-schéma résolument non illusionniste. C’est donc l’intellection, au terme d’une longue scrutation inopérante, qui permet seule la « connaissance » du trine. Cette enluminure rend compte des techniques de représentation et des mécanismes de perception visuelle que les artistes les artistes engagent pour donner à voir ce qui relève du mystère et n’est que très difficilement compréhensible et imaginable.