Péché originel

Motif iconographique

Le chapiteau représente deux fois le couple Adam et Ève, sur chacune de ses deux faces latérales, la face centrale montrant une figure de Dieu en pied. Ces deux temps du récit, articulés autour d’une figure en pied du Père-Verbe (puisqu’il porte le nimbe cruciforme), permettent d’évaluer l’altération et la mutation que le péché originel a produites dans l’Homme.

Sur la face de droite, au moment où ils mangent littéralement le fruit défendu, en l’espèce des pommes provenant du pommier où se tient le serpent, les corps d’Adam et Ève sont quasiment identiques et indifférenciés. Les caractères distinctifs n’apparaissent que sous la forme de la légère pilosité présente sur le visage d’Adam, et dans la gestuelle d’Adam qui tend un index dénonciateur vers Ève. L’identité anatomique des deux corps est conforme à une bonne part de l’exégèse biblique, notamment celle de Jean Scot Erigène dans le Peryphiseon. Les corps de l’homme et de la femme, faits à l’image de Dieu, partagent une union complète avec leur âme et sont donc, en Paradis, semblables, immortels et incorruptibles.

Sur la face opposée, après que la faute d’Adam et Ève a été découverte par Dieu, les humains se dissimulent dans les branches d’un figuier dont les grandes feuilles cachent leur nudité. Les corps sont désormais bien différenciés par une pilosité très différente: Adam porte une longue barbe et une coiffure ourlée ; Eve a une longue chevelure partagée au milieu de la tête. Cette pilosité comme facteur de distinction vient compenser l’impossibilité dans laquelle se trouve placé le sculpteur de montrer les caractères sexuels autour desquels se jouent dorénavant la conscience de la sexuation différenciée, ainsi que la pulsion honteuse qui s’y attache. 

L’unité première et la similitude humaine, cette simplicité unitaire dont parle Jean Scot dans son texte, a laissé place à la division entre homme et femme. Outre la distinction des corps telle qu’Adam et Eve dorénavant la perçoivent, la dégradation de leur état ontologique se manifeste aussi par l’entremêlement sinueux des corps et des branches du figuier. Il rappelle la sinuosité du serpent sur la face de droite, dans l’Arbre de la connaissance. Ces ondulations contrastent avec la rectitude des corps trois fois affichée dans le chapiteau : dans le corps du Père, faisant aussi office d’axe de symétrie, dans les deux corps d’Adam et Eve sur la droite, avant qu’ils n’aient consommé le fruit défendu (la pomme est placée à l’entrée de leur bouche mais n’a pas encore été mangée), et enfin, dans l’Arbre de vie qui se tient à l’arrière d’Adam et Eve sur la face de gauche, un Arbre bien séparé du figuier et des deux êtres qu’il abrite.

La chute s’exprime donc dans la perte de ressemblance unitaire à Dieu mais aussi dans la conscience (et la manifestation physique) des caractères qui fondent deux individualités séparées. À la complémentarité initiale que conféraient le masculin et le féminin, fait suite une séparation des êtres qui est source de pulsion et impose la sexualité comme un joug de la chair. C’est ce dont rendent compte les attitudes et les gestes d’Adam et Eve sur la gauche : leur animalité, calquée sur celle du serpent, régit dorénavant leur comportement. Rendus incompatibles avec l’essence du Paradis, ils devront en quitter l’Arbre de vie et deviendront mortels. 


Rédaction

Marion Loiseau / Direction scientifique : Sébastien Biay, Isabelle Marchesin


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Marion Loiseau / Direction scientifique : Sébastien Biay, Isabelle Marchesin, « Péché originel » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 21 novembre 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/798