Salut par l’Incarnation

Thématique iconographique

L’Incarnation, la venue de Dieu dans la chair, est explorée tout au long du Moyen âge comme un mystère qui vient accomplir de manière paradoxale les promesses de l’Ancien Testament et heurter les cadres de pensée de la philosophie antique. Le long travail des Pères de l’Église interprète l’Écriture pour résoudre ce double paradoxe, que Paul de Tarse résume ainsi dès les premiers temps du christianisme : « Nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les juifs et folie pour les païens » (1 Co 1, 23). L’attente messianique du peuple de l’Ancien Testament avait favorisé l’espoir d’un libérateur temporel redonnant à Israël son indépendance et son royaume terrestre. Le salut apporté par l’Incarnation, le sacrifice du Christ et sa Résurrection accomplissent les promesses vétérotestamentaires non plus par l’établissement d’un royaume terrestre, mais par la perspective d’un royaume céleste.

L’Incarnation vient sauver l’Homme séparé de Dieu par le péché originel. Depuis la Chute, l’Homme s’était montré incapable de sceller une alliance définitive avec Dieu. La longue série des infidélités relatée par l’Ancien Testament est résolue par une intervention divine inattendue : le Christ, totalement Homme et totalement Dieu, peut assumer entièrement le péché de l’humanité en tant qu’homme et réparer la grandeur de l’offense faite à Dieu par sa puissance divine. La valeur infinie de son sacrifice expiatoire ouvre aux hommes la voie du Salut, c’est-à-dire de la réconciliation-communion avec Dieu.

Le salut par l’Incarnation vient restaurer l’état adamique, mais va encore plus loin si l’on suit les Pères de l’Église : « C’est la raison pour laquelle le Verbe s’est fait homme et le Fils de Dieu, Fils de l’homme : afin que l’homme, en entrant en communion avec le Verbe et en recevant ainsi la filiation divine, devienne fils de Dieu » (Irénée de Lyon, Adversus haereses 3, 19). Dieu délivre sa grâce à l’humanité en lui donnant son Fils pour la racheter. En venant dans la chair, le Christ élève l’humanité vers Dieu. Le dogme de l’Incarnation professe la venue de l’infini dans le fini, du Créateur dans la créature. Il soulève de nombreux paradoxes. Les images médiévales multiplient alors les inventions pour donner à comprendre un mystère invisible aux yeux : le symbole omniprésent de la croix salvatrice, les symboles de la vie divine irriguant la chair et le monde.


Rédaction

Louise-Élisabeth Queyrel (avec la participation de Pierre-Marie Sallé) / Direction scientifique : Sébastien Biay, Isabelle Marchesin


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Louise-Élisabeth Queyrel (avec la participation de Pierre-Marie Sallé) / Direction scientifique : Sébastien Biay, Isabelle Marchesin, « Salut par l’Incarnation » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 26 avril 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/47