Corps en performance
Thématique iconographique
La matière malléable du corps est influencée par le principe spirituel qui l’habite, siège de la personnalité et de la volonté qui guide la gestuelle, le comportement, les émotions, lesquels sont visibles et perceptibles par le corps. Des débats complexes sur la relation âme/corps et l’origine des émotions qui agitent tout le Moyen Âge ressort une affiliation presque constante entre la forme du corps et l’état de l’âme. De fait, il en découle une perception morale du corps, qui met en relation les difformités (ou d’autres traits particuliers) avec une disposition particulière de l’esprit affecté par le péché, qu’elle trahit ; à l’inverse, la vertu peut rayonner manifestement sur l’enveloppe corporelle.
Cette corrélation entre état du corps et état de l’âme n’affecte pas seulement l’apparence. Elle affecte aussi et surtout les gestes de la personne, qui sont autant d’expressions de leurs dispositions spirituelles. L’âme, siège de la volonté, est motrice du corps. Créée pour le régir, c’est elle qui doit en dominer les mouvements. Dès lors que le corps agit sous ses propres impulsions (celles de la chair), la disharmonie s’installe entre les deux composés humains. Elle peut se traduire par la gesticulation. Cette prise de contrôle de la chair sur l’être est source de péché puisque la chair et ses impulsions font alors basculer l’homme dans l’animalité.
Les états du corps expriment par conséquent une tension entre deux pôles : celui de la gestuelle raisonnée (que ce soit dans l’expression des émotions ou comme rhétorique) s’opposant à la gesticulation désordonnée, qui trahit le désordre intérieur, voire la possession démoniaque. Cette tension définit la condition du corps, et la mesure qui doit lui être imposée pour limiter ce qui semble être une tendance à l’excès. La mesure et même la retenue dans les mouvements et les attitudes sont de mise ; les règles monastiques telles que la règle de saint Benoît, dans sa recommandation du silence, et plus encore ses avatars médiévaux, tentent d’établir un contrôle strict du corps pour en canaliser les mouvements vers l’imitation du Christ. Une attitude excessive et non mesurée peut amener à détourner le sens et la valeur d’un geste (de prière, d’offrande) qui n’est pas effectué de façon juste et dans le bon état d’esprit, ou avec la disposition spirituelle adéquate (Règle de saint Benoît 20, 3 : « Dieu nous exaucera, si nous prions non pas avec beaucoup de paroles, mais avec un cœur pur, peiné jusqu’aux larmes d’avoir offensé Dieu »). L’éthique comportementale médiévale se fonde sur la pureté des intentions plus encore que sur l’expression que le corps délivre. C’est la finalité du geste, de l’acte ou de l’émotion qui fait sa valeur.