La vitalité de la matière consacrée
Motif iconographique
L’effort technique dont résulte ce faux marbre semble présenter un paradoxe entre l’attention portée aux textures pour imiter une pierre naturelle et le choix de pigments très vifs qui ne se rapportent à rien de ce qui se trouve dans la nature.
L’effet esthétique recherché par le peintre se tient dans ce paradoxe, qui est offert au regard moins comme un trompe-l’œil que comme un trompe-l’esprit, car l’apparence (specie) permet d’imaginer une substance (substantia) supérieure (voir Signes herméneutiques).
Que le marbre soit pourvu d’une forme de vitalité ne relève pas du surnaturel dans la perception que les médiévaux ont de la nature. Isidore de Séville, à la suite de Vitruve, décrivait déjà la vitalité (la viriditas) de certains minéraux, et du marbre en particulier, dont la texture veinée, tachetée, changeante, semblait témoigner d’une vie antérieure figée dans la stabilité du minéral [D. Méhu, 2013].
Mais les pigments choisis illuminent ce marbre d’une gamme de couleurs qui dépasse ses possibilités de matière minérale soumise aux lois naturelles ; ils lui donnent un second niveau de visualité : la matière brute montre une vitalité qui paraît supérieure, elle se présente comme une matière régénérée, spiritualisée par l’Esprit saint qui a investi ce sanctuaire au moment de sa consécration. Cette portion de fresque participe à montrer l’édifice eschatologique derrière la surface sensible de la paroi du monument.
Ce type de faux plaquages, disposés dans toute la partie inférieure des fresques, offre aussi au regard une marche pour entrer dans la contemplation des cycles peints des parties supérieures [Didi Huberman, 1980] qui relatent la construction de l’édifice eschatologique par l’œuvre des saints de l’Église.