La Vierge comme modèle sacré du clergé
Motif iconographique
La composition de ce tympan s’articule sur la Vierge à l’Enfant, placée au centre en tant que Trône de Sagesse : elle est la mère du Christ-Enfant et, en ce sens, mère du Verbe incarné. Ce motif présente la Vierge en tant que tabernacle pur suffisamment digne pour accueillir le Verbe qu’elle a offert et présente au monde, sans que le sceau de sa virginité ait été brisé. Les qualités sous-jacentes à ce motif font qu’il couvre aussi bien Marie mère vierge de Dieu que l’Église-assemblée en tant qu’entité abstraite sur laquelle se reportent sa pureté et sa sacralité (voir Le nouveau peuple saint).
Elle se présente également sur ce tympan comme le sanctuaire d’une église. Elle est surmontée d’un baldaquin (un ciborium) semblable à celui élevé au-dessus de l’autel, garante en cela de la présence du Christ qu’elle porte en ce lieu sacré. Ce baldaquin est surmonté d’une architecture qui évoque une cité et la Vierge, qui est couronnée, fait l’objet d’une liturgie céleste (deux anges à l’encensoir) pour rappeler que ce sanctuaire s’étend au royaume céleste sur lequel la Vierge règne avec le Christ.
Cette composition à première vue parfaitement centrée se lit en réalité de droite à gauche comme un acte de donation. Un roi agenouillé dans l’écoinçon droit est précédé par un ange qui porte pour lui une coupe figurant son offrande. Le roi déroule un phylactère sur lequel son identité et la nature de son offrande étaient peut-être inscrites. Dans la partie gauche du tympan, un évêque, lui aussi positionné derrière un ange, présente un autre rouleau qui donnait sans doute des informations complémentaires. Derrière l’évêque, un scribe assis, logé dans l’écoinçon gauche du tympan, consigne dans un livre l’acte de donation du roi.
Ce tympan présente donc une donation royale à son Église (la cathédrale parisienne) et sa composition respecte en tous points celle d’une offrande des trois Rois mages par ailleurs présentés devant Hérode sur le linteau, exactement sous le roi donateur du tympan [M. Beaud, 2022].
L’image montre certes le rôle d’intermédiaire qu’a pris le clergé dans l’offrande au Christ (voir L’Église comme intermédiaire de l’offrande à Dieu), mais elle explique également la légitimité que se donne le clergé pour que ce rôle soit accepté. Dans les faits, le roi donne à l’évêque, mais l’image montre une offrande destinée, via un ange, au sanctuaire céleste où règnent la Vierge et l’Enfant. Or, c’est bien comme un membre de ce corps sacré que se présentent l’évêque et son scribe, à la place que tiendrait Joseph, l’époux de Marie, dans une scène d’Offrande des Rois mages. L’évêque est donc pleinement à sa place en ce lieu sanctuarisé par la Vierge garante de la présence du Christ : son phylactère se superpose en cela au vêtement de l’ange alors que le roi est mis en retrait de ce lieu par le vêtement son ange intercesseur qui couvre le bas de son corps.
Si l’identification de l’évêque et du roi a posé de question [L. D. Gerfand, 2002], l’équilibre entre les figures reste inchangé : les ministres du Christ sont incorporés à Vierge présentée comme une personnification du sanctuaire céleste. La virginité de Marie, comme modèle de sacralité, s’était très tôt reportée dans l’histoire chrétienne sur l’entité Église-assemblée, elle se reporte, après le tournant grégorien sur l’entité Église institutionnelle, au sens du clergé et de ses membres.