Le sacrement

Motif iconographique

Le remontage des plaques du plat supérieur du Sacramentaire renferme, de gauche à droite et sur trois registres de haut en bas : au premier registre, le baptême du Christ avec la personnification d’une rivière,  l’apparition du Christ aux apôtres, le Christ envoyant les apôtres dans le monde porter la Bonne nouvelle ; au deuxième registre, la bénédiction du Saint Chrême, la bénédiction des fonts baptismaux et le baptême par immersion ; et enfin, au troisième registre, la bénédiction des nouveau-nés devant le baptistère, l’ordination des diacres puis la consécration d’une l’église avec l’entrée des reliques, que l’on peut comprendre comme une bénédiction de l’édifice. Ouvrant ce livre liturgique magnifiquement orné qui appartenait à Drogon lui-même, le plat de reliure supérieur se présente en fait comme une introduction générale à ce qu’est un sacrement, un signe divin reproduit dans les justes conditions qui permettent de réitérer son efficacité, qui n'est pas humaine, mais divine.

Le premier registre relève de l’histoire sainte et pose les prototypes : l’Esprit saint entre dans le monde terrestre et accomplit le sacrement du baptême sur le Christ, puis le Christ constitue son assemblée, comme le montrent ses bras enveloppants, avant d’envoyer cette communauté diffuser ses bienfaits dans le monde, comme le montrent ses bras cette fois largement ouverts sur la troisième plaque. Tout se rejoue à l’étage inférieur : la bénédiction du saint Chrême, héritière de l’onction divine de l’Ancien Testament, est la transformation, par intervention de l’Esprit saint, d’une substance matérielle qui, devenue spirituelle conformera le futur baptisé au Christ. Cette transformation miraculeuse de la matière est en effet ce que permet, lors du baptême, la réception de l’Esprit saint par le nouveau baptisé qui entre dans la communauté. À la place du Christ enveloppant, se tient maintenant un baptistère, figure métaphorique du corps divin, derrière lequel se trouve placé un évêque, qui est le corps-vicaire du Christ, le corps qui agit comme il le ferait lui-même. C’est ce qui autorise la diffusion du sacrement, figuré cette fois sur la troisième plaque du registre et opéré, de juste façon, par l’évêque. Le dernier registre atteste de la dilatation de la bénédiction divine sur les enfants encore non baptisés (une question qui a agité les théologiens carolingiens), sur les clercs puis sur les bâtiments eux-mêmes, l’église comme édifice.

Au point de départ du sacrement se tient le tout premier assuré dans le Nouveau Testament, le baptême du Christ, prototype sacramentel durant lequel l’Esprit saint descend sur le Christ homme et Dieu. La première caractéristique des sacrements est précisément cette citation mimétique des actions divines : ils reproduisent à l’identique les gestes et les formules tirées de la Bible, c’est-à-dire qu’ils sont les signes que Dieu a déjà produits. Ce à quoi s’ajoute une deuxième caractéristique, celle de la conformité du corps et des gestes de ceux qui les re-produisent au nom de Dieu. Ces ministres du culte ne comptent pas à titre personnel ; leur conformité vient de ce qu’ils sont identiques, en charisme et en fonction, aux apôtres missionnaires. En d’autres termes, le signe sacramentel est performatif éternellement, car il est toujours le même indéfiniment reproduit par des hommes qui ne sont pas eux-mêmes, mais les apôtres auxquels Dieu a délégué son pouvoir d’action dans le monde.


Rédaction

Isabelle Marchesin / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Isabelle Marchesin / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « Le sacrement » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 21 novembre 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/1210