La matière des saisons
Motif iconographique
Les trois pivots des mouvements du monde sont inscrits à l'encre rouge sur le disque central : le monde (mundus), l’année (annus) et l’humain (homo). Trois cercles tracés à l'encre dorée sont imbriqués autour de ce premier disque : ils créent des compartiments où sont inscrits, toujours à l'encre rouge, les quatre états de chacune des trois composantes du monde. Les quatre éléments se positionnent comme les points cardinaux du diagramme, en périphérie de la rosace : le feu (ignis) en haut, l’eau (aqua) en bas, la terre (terra) à gauche et l’air (aer) à droite. Les quatre saisons et les quatre humeurs de l'humain sont unies à l'élément dont elles partagent les qualité : l’été (estas) et la colère (colera) sont unis au feu en haut ; l’hiver (hiems, ici orthographié hyemps) et le phlegme (humor) sont unis à l’eau en bas ; l’automne (autumnus) et la mélancolie (melancolia) sont unis à la terre à gauche ; le printemps (ver) et l’optimisme (sanguis) sont unis à l’air à droite.
Tous ces états sont mis en opposition par leurs qualités aux extrémités de deux axes orthogonaux, soulignés par des arcs de cercles tracés à l'encre verte, qui forment une croix guidant le regard. La répartition des informations sur ce diagramme ne se fait pourtant pas uniquement par opposition. Des arcs de cercle tracés à l'encre jaune créent quatre zones sur le disque qui réunissent les éléments, les saisons et les humeurs, cette fois selon leurs qualités communes. Un sens de lecture circulaire peut alors s'enclencher, antihoraire en partant du haut pour suivre l'ordre des saisons : feu, été et colère sont secs (secca) et chauds (calidus) ; terre, automne et mélancolie sont froids (frigida) et secs ; eau, hiver et phlegme sont humides (humidus) et froids ; air, printemps et optimisme sont chauds et humides. Enfin, le zonage par les arcs de cercle tracés à l'encre verte, qui marquaient les axes de la lecture orthonormée, réunit et met en valeur les qualités communes à chacun des groupes élémentaires : le chaud, l’humide, le froid et le sec [B. Obrist, 2004].
Cette modélisation graphique montre un monde à l'équilibre dans lequel chaque composant est inscrit à sa place, ce qui en facilite la mémorisation. Mais la lecture du diagramme est avant tout dynamique, ce que confirme la disposition graphique de chaque mot, accordée à la forme circulaire. L’œil peut ainsi lire en miroir les opposés ou bien lire, sur la circularité horaire ou antihoraire du diagramme, le passage d'un état à un autre par le partage d'une qualité. Cette lecture dynamique, qui laissera en mémoire un schéma tout aussi dynamique, compose et encourage une vision analogique du monde, une vision mettant continuellement en correspondance, grâce à leur disposition les unes par rapport aux autres, leurs qualités, leurs composantes, leur portée symbolique, ou toutes autres quaternités, telles que les médiévaux aiment à les penser. Le rôle de ce type de diagramme dans la culture scientifique médiévale est donc moins mnémotechnique qu'herméneutique. Schéma, et non illustration, le diagramme invite au mouvement de l’intelligence, dans un ensemble visuel fini et spatialement ordonné, qui mène à la compréhension dans le cadre de la mémorisation.