La parabole comme signe allégorique
Motif iconographique
Héritiers à la fois des paraboles bibliques et de la culture rhétorique antique, les exempla médiévaux sont de courts récits chrétiens à contenu moraliste, qui ancrent leur force de persuasion dans leur clarté logique et leur force émotionnelle. Leur propos, comme dans les paraboles bibliques, est aussi resserré que ciblé ; il émerge une fois que l’ensemble des informations, correctement alignées, produisent une allégorie, c’est-à-dire un concept ou une idée abstraite. La plupart des images moralistes du christianisme médiéval relèvent de cette formulation synthétique, qui culmine dans les figurations allégoriques des Vertus, représentées sous les traits de femmes munies d’attributs conventionnels, mais hautement signifiants.
La peinture du folio 52v du manuscrit ouvre l’histoire d’un enfant voué au Diable et sauvé par la Vierge. Une femme menace son mauvais mari de donner son enfant au diable, s’il lui en naît un. L’enfant naît et devient une très bonne et belle personne. Le diable se présente et annonce qu’il le prendra dans sa quinzième année. La mère dit la vérité à l’enfant qui prie la Vierge et décide de quitter la maison de ses parents pour aller trouver le pape. Le pape, ne sachant que faire, l’envoie au patriarche de Jérusalem, qui reconnaît n’être pas assez saint pour le sauver et l’envoie à un ermite. L’enfant rejoint l’ermite le Samedi saint, et l’ermite le conduit dans sa chapelle en lui disant de prier la Vierge. Au moment où il va célébrer l’eucharistie, le Diable saisit l’enfant placé sur les marches de l’autel. L’ermite prie alors la Vierge de sauver l’enfant ; elle met le Diable en fuite avant qu’il ne prononce la doxologie (la formule de fin) de la prière eucharistique. L’enfant est célébré chez le patriarche puis rentre chez sa mère.
La peinture fait ressortir les clés d’une exemplarité montrant que le pouvoir de la Vierge, qui sauve du Diable comme le Christ sauve de la mort, est bien supérieur à celui de n’importe quel puissant prélat, mais que cette action salutaire est efficace uniquement lorsqu’elle s’inscrit au sein de la médiation de l’Église (voir Médiation christique comme délégation). Visuellement, ce sont les positions relatives des corps qui expriment cette vérité : la scène a lieu dans une église où la Vierge a pénétré par une porte entre-ouverte à gauche ; le bras de l’enfant qu’elle attrape passe devant la chasuble dorée du prêtre autour duquel, le corps de l’enfant est, du reste, enroulé. Le prêtre se fait le médiateur, mais aussi le vicaire de la Vierge, puisqu’il touche de la main le bâton qui fait fuir le Diable. C’est donc parce que la demande de protection de la Vierge a eu lieu dans le cadre rituel et médié d’une église qu’elle a été entendue. Le message est simple : le divin performatif n’intervient que dans le cadre de la communauté ecclésiale et de ses rituels.