L’artefact comme métasigne iconique

Motif iconographique

Par-delà les enjeux fréquents de citation biblique qui réinscrivent les constructions et les œuvres dans la continuité de l’histoire sainte, l’évêque Bernward d’Hildesheim a fait réaliser une colonne de bronze ornée d’une vie du Christ qui est particulièrement symptomatique des liens étroits qui unissent matériaux, formes, usages et images dans les artefacts médiévaux. Inspirée de la colonne trajanne dont elle reprend le déroulé en spirale, cette colonne figure, de la façon la plus littérale qui soit, les évènements de la vie publique du Christ. Elle complète le contenu narratif qui est déployé sur le vantail droit de la porte de bronze que Bernward a fait fondre, quelques années plus tôt, pour la même église Saint-Michel. Sur ce vantail figurent les épisodes de l’enfance et de la Passion du Christ, absents de la colonne.

La complémentarité des deux œuvres monumentales est renforcée par l’omniprésence de la colonne dans le discours visuel de la porte de bronze : elle y apparaît partout de façon allusive comme pendant de l’Arbre de vie vétérotestamentaire qu’elle vient recouvrir tel un nouveau principe de Loi divine. Elle est aussi représentée, et de façon explicite, sous la forme d’une colonne placée dans l’axe du ventre marial de la scène de la Nativité, au panneau 10. Elle y représente l’incarnation du Christ, nouvel axe du monde et nouvelle Loi destinée à refonder la communauté des justes, l’Église [I. Marchesin 2017]. Ce qui nous intéresse ici est l’étroite corrélation entre le contenu discursif des épisodes figurés sur la colonne – la Loi du Christ telle qu’elle est factuellement édictée pendant sa vie publique – et ce que cette colonne produit comme effet au sein de l’église Saint-Michel. En effet, parce que le récit en est déployé en spirale, il est indispensable de tourner autour d’elle pour en découvrir le contenu, et du fait de sa position, il est tout aussi indispensable de tourner autour de l’autel derrière laquelle elle se tient. L’axialité et la situation, combinées à la spirale, conduisent le fidèle à se polariser sur la croix qui somme la colonne, à suivre, au sens propre, la Loi du Christ, et à revenir sans cesse à l’autel du sacrifice, à tisser donc métaphoriquement sa vie chrétienne autour de ce seul axe directeur qui passe par le sacrifice et dessine, pointé vers le ciel, le chemin du Salut.

La signification littérale des images figuratives – la nouvelle Loi du Christ sommée par le sacrifice qui rétablit l’éternité de la vie – est ainsi incarnée par la forme et par le mode de fonctionnement du support ; la colonne, artefact-signe ou encore métasigne, converge avec le discours visuel qu’elle organise, complète et met en scène pour en rehausser la puissance et l’efficacité.


Rédaction

Isabelle Marchesin / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Isabelle Marchesin / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « L’artefact comme métasigne iconique » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 21 novembre 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/1176