L’image-schéma théologique
Motif iconographique
Ce monogramme est composé du V et du D imbriqués du Vere dignum, les deux premiers mots de la formule prononcée par le célébrant lorsqu’il reprend la parole de l’assemblée, en entamant la préface de la prière eucharistique.
La forme en V est constituée d'un poisson, et la forme en D, à droite, est constituée d'entrelacs. L'emboîtement du poisson et des entrelacs génère une nouvelle figure ovale, une nouvelle créature mi-poisson, mi-entrelacs qui fusionne les deux précédentes et combine leurs couleurs. Cette nouvelle créature est mangée par deux petits poissons, qui forment avec celle-ci une croix. À ce moment très singulier de la liturgie, le schéma nous met en présence d'une représentation de l'union de deux états hypostatiques du Christ : l'humain, évoqué par le poisson d'ICTUS (Jésus dans sa vie historique et humaine), et le divin, évoqué par l'entrelacs, comme dans la tradition insulaire. Ce Vere Dignum est la plus ancienne représentation schématique connue de l'Eucharistie. Elle initie une longue tradition pour l'illustration du Canon de la Messe, comme le montrent, notamment, le calice et l'hostie représentés dans le Vere Dignum du Sacramentaire de Marmoutier (Autun, Médiathèque, ms. 19bis) réalisé à Saint-Martin de Tours vers le milieu du IXe siècle. On retrouvera une lointaine confirmation de cette pratique de schématisation théologique jusqu’à la fin du Moyen Âge, par exemple chez le théologien Jean Beleth (Summa de ecclesiasticis officis) : « La lettre V renvoie à la nature charnelle du Christ, le fils de la Vierge, la lettre D, par sa forme circulaire, à sa nature divine, sans commencement ni fin, et la croix au centre fait le lien entre l’humanité et Dieu ».