Hiérarchie de l'Église
Motif iconographique
Le contenu et la conception même de cette enluminure visent à montrer l’ordre, c’est-à-dire la cohérence et la fonctionnalité de la hiérarchie ecclésiastique. Les deux registres superposent les ordres majeurs (évêque, diacre et prêtre) au-dessus des ordres mineurs (sous-diacre, exorciste, acolyte, lecteur et portier) les deux groupes étant séparés l’un de l’autre par deux bandes de couleur pourpre où se distingue un texte à l’encre d’or.
La hiérarchie ascendante se reproduit dans chaque registre : en haut, l’évêque en trône domine le prêtre et le diacre, en bas, le sous-diacre se tient sur une estrade, au sommet d’un monticule, pour dominer les autres ordres mineurs.
Tous ces personnages sont nimbés, à la différence des laïcs figurés en d’autres endroits du manuscrit, non pour signaler leur sainteté mais celle de leur ministère. Ces nimbes sont hiérarchisés par leur distinction chromatique. Au sommet se tient l’évêque, incarnation de la tradition apostolique, que son trône et son nimbe doré montrent visuellement comme le Christ au sein de la communauté. Ce sacramentaire lui est d’ailleurs destiné. Le prêtre et le diacre aux nimbes orangés sont respectivement présentés comme des adjuteurs : le prêtre, assis comme l’évêque mais placé plus bas que lui, a reçu de ce dernier le pouvoir sacramentel, comme l’indique la position en écho des mains des deux personnages. Le diacre, debout à droite, tenant une Bible, assiste le prêtre pendant la liturgie, en particulier pendant l’Eucharistie, comme garant de son organisation matérielle, de la sainteté des substances et des objets qui y sont engagés. L’enlumineur a aussi pris soin de nimber les ordres mineurs, mais ne nous y trompons pas, leurs nimbes ne sont pas dorés mais simplement couverts d’ocre, rappelant que l’intensité lumineuse réfléchie par les êtres est une théophanie, en ce qu’elle correspond à l’importance de la présence divine agissant en eux (voir La lumière comme marqueur de sainteté).
Cette hiérarchie ecclésiastique est d’ailleurs mise en scène à partir de codes iconographiques empruntés aux théophanies. Placé à la verticale de l’évêque, accolé au cadre, se tient un séraphin. Il signale l’origine divine du pouvoir de transmission de l’évêque, et cette origine céleste est précisée par l’inscription encadrant le nimbe doré dans l’image : elle rappelle que seul un évêque peut conférer le grade épiscopal. Il s’agit là d’une affirmation de la continuité apostolique : c’est par l’évêque seul que transite l’autorité, celle déléguée par le Christ et activée en son nom dans la liturgie. Ce pouvoir est ensuite redistribué en actions spécifiques à chacun des ordres mineurs, dont la mission est de porter l’efficacité divine jusque dans le quotidien de la communauté des croyants. La structuration institutionnelle de l’Église se présente donc ici comme provenant d’une délégation hiérarchisée de l’autorité et des pouvoirs divins.
Par ailleurs, le Tétramorphe distribué aux quatre cartouches d’angle de l’enluminure renforce la superposition de l’évêque avec le Christ (selon la culture ecclésiastique carolingienne), pour faire apparaître l’Église institutionnelle comme l’organisation permettant l’action divine dans le monde.