Acédie

Motif iconographique

La sculpture représente un homme à la chevelure bouclée, dont le corps paraît délibérément replié sur lui-même, puisqu’il exerce une pression de sa main sur son genou. Comme on peut le voir sur la photographie prise de profil, il est recroquevillé à la mesure du modillon qui le supporte. Le personnage penche aussi sa tête de côté et l’appuie sur sa main droite au poignet cassé. Il s’agit là d’un geste conventionnel de souffrance et d’affliction, que l’on retrouve dans la tension des yeux et de la bouche sculptés d’un seul trait. Dans la culture médiévale, physiognomonie et expressivité corporelle sont la manifestation extérieure d’états intérieurs. C’est l’une des raisons pour lesquelles les figures des modillons, qui sont des supports de sculpture tournés vers l’extérieur des églises et, à ce titre, utilisés pour la prédication morale, sont à la fois génériques et très expressives.

À cause de ce mélange de repli, d’apathie et de douleur, le personnage du modillon de Boston fut associé à l’acédie, sans que l’on ne puisse précisément l’identifier comme tel. Il évoque des états qui ne sont pas tant considérés comme psychologiques que comme moraux par la culture chrétienne. Le repli souffrant sur soi-même était compris, dès les débuts du monachisme qui l’a beaucoup craint, comme un état de fermeture à Dieu, une paresse spirituelle qui éloignait de l’amour de la vie dispensée par le Créateur, voire comme une haine pour l’état monastique. Grégoire le Grand le rapprochera de la tristesse, qui est elle-même un péché, tout comme la morosité, l’oisiveté ou encore l’anxiété. À partir du Moyen Âge central, les théologiens et universitaires, dont Thomas d’Aquin, associent ce type de tristesse à l’ennui et à la confusion de l’esprit conséquente à un refus de l’exercice assidu de la spiritualité ; la pratique est toujours perçue comme salvatrice dans la culture chrétienne, et plus que toutes, la dévotion. Il est donc possible que ce modillon ait bien eu vocation d’exemplarité, rappelant aux laïcs qu’ils sont aussi vulnérables à l’acédie, et que leur paresse est un aveuglement à Dieu, un manque d’amour et de confiance en lui.


Rédaction

Camille Ambrosino / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Camille Ambrosino / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « Acédie » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 21 novembre 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/1134