Miséricorde
Motif iconographique
Dans un intérieur simple, décoré de placages de marbres polychromes et d’un plafond à caissons, Jésus est invité à la table du Pharisien Simon, lui-même accompagné d’un second convive. Aux pieds du Christ se joue une autre scène. Marie-Madeleine vêtue de rouge, allongée en signe de repentance et en larmes, essuie les pieds du Christ avec ses longs cheveux. Simon et son invité sont assis face à la table sur laquelle sont posés des bols et trois gobelets. Le jeune convive joue avec son couteau – signe peut-être de sa colère – tandis que le Christ, tout en trempant un morceau de pain dans un bol, désigne de son autre main la jeune femme prosternée. Aucun des trois hommes ne la regarde : la partie haute de l’image montre uniquement comment le Christ enseigne les deux convives, en leur proposant de comprendre que la femme à qui il pardonne ses péchés l’aimera d’autant plus que ces péchés auront été importants.
Placée au premier plan, sous la table, Marie-Madeleine est l’objet de l’instruction de Simon et de son convive, et les réticences des deux hommes viennent précisément de ce qu’ils ne la voient pas telle que le Christ la connaît et telle que la voient les spectateurs de l’image. Elle est en effet l’objet central, et non le sujet, de la scène. Mise en valeur par une position allongée qui la conduit à couvrir la totalité de la partie basse de la peinture jusqu’aux pieds du Christ, elle est une figure puissante de la repentance tout autant que du pardon. Son corps entièrement couvert est pudique, et sa chevelure défaite ne fonctionne plus comme un moyen de séduction charnelle, mais comme un moyen de conversion : elle se donne tout entière à son Seigneur, qui lui a déjà accordé sa miséricorde. Elle porte en effet un nimbe doré, et a donc été pardonnée pour ses péchés. Le véritable enjeu de l’image est ainsi de placer la miséricorde divine sur un plan d’amour si puissant qu’il transgresse, presque scandaleusement, les a priori sociaux. Simon et son convive ne sont pas tant condamnables pour leur réaction de rejet envers Marie-Madeleine que pour leur aveuglement à la grâce divine qui, parce qu’elle propose une nouvelle alliance à tous les humains, concerne aussi les plus grands des pécheurs.