Grâce

Motif iconographique

Un même principe régit ces images pieuses extrêmes, dont la violence apparente exprime à la fois le désir de Dieu et la réponse divine par des éléments iconographiques très simples. L’image concernant l’Amour présente le corps du Christ plaqué sur un arbre et couvert d’un sang qui, on le notera en comparaison des autres gravures peintes, est apposé en larges traits qui débordent de la ligne du corps. Cette diffusion est celle de la lance perforant le côté d’où s’écoulent le sang et l’eau salvateurs (Jn 19, 34) ; évoquée à l’échelle du corps christique, elle est aussi soulignée par les racines étendues de l’arbre vif que l’on retrouve dans les autres images similaires, mais surtout par la contamination de couleur et donc de substance, exceptionnelle dans le codex : Amor porte en effet une grande robe de la couleur du sang christique. On comprend que l’agression du Christ est agression amoureuse, et que la réponse attendue et attestée de Dieu est l’amour dont, en retour, il enveloppe la personnification, en lui faisant don de la vie éternelle. Dans le même temps, par l’unité chromatique de sa robe et sa conformité chromatique du Christ, Amor se donne, elle aussi, toute entière au Christ : agenouillée et porteuse de la lance, elle assume une faute humaine qui grandit d’autant la miséricorde divine, tout en s’identifiant au Christ qui l’a sauvée. Elle reconnaît, par son amour pour le Christ, l’immensité de la grâce et du sacrifice.

Ce double mouvement de don d’amour est une emphase visuelle de versets des Épîtres de saint Paul. Paul y exhorte les chrétiens à présenter à Dieu leur personne tout entière, en « sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu », seule « juste manière de lui rendre un culte » (Rm 12, 1). Il rappelle que la grâce de Dieu est universelle et source de salut pour tous les humains, car portée par le Christ qui a racheté tous les péchés, elle les en a purifiés (Tite, 2, 11-14). Ce que rappellent ces trois vertus qui seront qualifiées de théologales, c’est-à-dire ayant Dieu pour objet : « Nunc autem manent fides, spes, caritas, tria haec: major autem horum est caritas », caritas, traduction du grec « agapé » y étant cet amour de Dieu qui s’exprime comme lien d’amour agissant dans l’humanité (Cor. 13, 13).


Rédaction

Camille Ambrosino / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Camille Ambrosino / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « Grâce » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 03 décembre 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/1121