Salut par la Croix

Motif iconographique

La Croix est le signe et la matrice de toute l’opération de Salut que l’incarnation du Christ, son sacrifice, puis sa résurrection accomplissent dans le monde dont la loi est ainsi refondée en loi de vie éternelle.

La croix organise verticalement cette plaque. Sa base est posée sur une colonne végétalisée dont le chapiteau d'acanthe est surmonté d'Adam et Ève, en état de contrition, conscients de leur faute.  Sa cime monte jusqu'au ciel, où, placée entre les médaillons du soleil et de la lune, elle est adorée au-dessus des nuées par deux anges aux mains jointes.

Au bas de la plaque, Océan et Terre figurent la totalité du monde au centre duquel s’élève ce Christ en croix.
Au-dessus d’Océan et de Terre, le Verbe annonçant la Bonne nouvelle de la victoire sur la mort dans le monde est personnifié par les symboles des Évangiles unis en couples : les symboles terrestres, le lion et le bœuf, côtoient la colonne, et les symboles célestes, l’homme scribe et l’aigle visionnaire, occupent les extrémités. Au registre placé juste au-dessus, associés par paires dans des édicules, les saints ressuscités sortent de leur tombeau (Mt 27, 52) à la mort du Christ : ils rappellent que la résurrection des corps par le sacrifice sur la croix concerne l’intégralité de l’humanité, y compris les humains du passé et du futur.

La croix résume l’ensemble de la Passion du Christ et se pose en modèle et chemin de la résurrection des corps. Cette résurrection des corps de chair n’est toutefois pas assimilable au Salut des âmes. C‘est ce que montrent deux couples de figures dont les réactions devant cette promesse sont opposées. Le premier couple est constitué des deux soldats disposés de part et d’autre du pied de la croix, au même registre que les saints surgissant de leurs tombeaux. Le porte lance, que la tradition a baptisé Longin et à qui elle a attribué une conversion au pied de la Croix, personnifie l’accueil du Christ : il est coiffé d’un casque et présente sa main ouverte en signe de conversion. À l’inverse, le porte éponge, Stephaton, figuré à droite, personnifie l’impiété : il est statique et tête nue. Les humains restent libres de reconnaître ou pas le Verbe comme vérité.

Ce couple annonce une opposition plus grande encore figurée au registre supérieur. La personnification de l'Église, liée au Christ par le regard, recueille le sang dans un vase. La personnification de la Synagogue présente une attitude très différente. Elle cherche vraisemblablement du regard le cartel où est inscrit que Jésus est le roi des juifs, comme semble l'indiquer l'orientation de son visage, et elle se détourne, dirigeant ses pas, non vers le Crucifié, mais vers l'étendard de son peuple qu'elle tient dans ses mains.

Aux extrémités, Marie et Jean sont les seuls personnages à porter leur regard vers le ciel et les anges en adoration. Ils sont spirituellement unis comme mère et fils par les mots que le Christ prononce sur la croix (Jn 19, 26-27) et ils sont formellement réunis par les bras de la croix. Marie, matrice de la chair divinisée, et Jean portant l’Évangile  personnifient tous deux la composition de l’Église du Christ par le sang du sacrement et par le Verbe.

La plaque se présente, dans son ensemble, comme une synthèse des épisodes du récit de la Crucifixion et de leurs enseignements. Cette synthèse opère visuellement par la spatialisation relative des figures entre elles et par rapport à la croix. Par effets de symétrie et de superposition verticale, les couples de complémentaires ou d’antonymes génèrent des concepts universels : l’universalité du monde, de l’humanité, de l’Église et du Salut se comprennent sur un même plan : la Croix, axe du monde, résume en une lecture méditative l'ensemble de l'économie chrétienne.

C'est sous cette croix de l’Évangile, montant jusqu’au ciel et plantée sur le mont Golgotha (le mont du Crâne), à l'endroit où la légende place la sépulture d’Adam, qu'Adalbéron a inscrit son portrait : en tant que serviteur de la croix, il se place sous la protection du Christ, c'est-à-dire sous la Croix comme nouvel Arbre de vie.


Rédaction

Mathieu Beaud / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Mathieu Beaud / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « Salut par la Croix » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 24 avril 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/1077