Duplicité
Motif iconographique
Le mensonge, tout comme la délation et l’accusation fallacieuse, sont des ressors possibles de l’action maléfique. Le mensonge se manifeste ici par un antagonisme fort entre les faces avant et arrière de la statue du tentateur. La parabole de Matthieu ne mentionne ni diable ni tentateur. Il s’agit donc d’un ajout au texte, personnifiant la tentation et la duplicité du mal.
L’arrière du vêtement, fendu, laisse voir des lézards, crapauds et serpents rampant sur le dos du personnage. Ces animaux repoussant et vivant près du sol sont des signes du mal dans les images médiévales. Le serpent est le tentateur d’Ève ; il indique presque toujours la présence du mal. Les crapauds et les grenouilles sont une des plaies qui s’abat sur l’Égypte (Ex 8,1), et sont aussi les animaux qui sortent de la bouche de la bête, du dragon et du faux-prophète dans l’Apocalypse (Ap 16, 13). Les lézards, et plus généralement les autres créatures rampantes, sont aussi connotées négativement.
Le dos du tentateur contraste avec l’apparence princière que celui-ci montre de face, avec sa chevelure soignée et sa couronne de roses. Les fausses manches et la couture latérale permettant de monter à cheval sont typiques de l’habit aristocratique de cette période. La couronne de roses se retrouve fréquemment dans les scènes d’amour courtois ; elle renforce l’apparence séductrice du diable. La pomme qu’il tient dans la main renvoie au péché originel. Elle est ici devenue un attribut du tentateur. L’apparence de ce dernier est avenante : il laisse échapper un sourire. Le sourire est une expression faciale fréquente dans l’art du XIIIe siècle. Il traduit un état d’âme, ici la satisfaction de la séduction. De plus, la bouche est un orifice qui laisse entrer ou sortir le mal ; le sourire qui s’en échappe laisse percevoir des intentions mauvaises.