Les écrins de la virtus

Motif iconographique

Ce reliquaire anthropomorphe est fait de métaux précieux et ornés de gemmes, comme tous les reliquaires médiévaux. Sur son socle, le martyre de saint Candide est figuré selon un procédé de condensation temporelle : le saint et le bourreau sont représentés deux fois, avant et après le coup d’épée de la décollation. Plus que deux actions qui se succéderaient dans le temps, il s’agit ici de souligner le lien de cause à effet entre l’exécution du saint pour sa foi et la récompense qui lui est réservée au ciel : l’âme du saint est enlevée par un ange, actant la grâce exceptionnelle que Dieu lui confère en lui permettant d’accéder immédiatement à la vision béatifique.

L’image est scindée par la diagonale que forme le tranchant de l'épée du bourreau. Au-dessus de ce tranchant, on trouve le saint en prière, son corps décapité chutant au sol, et l’âme emportée au ciel par l’ange, dans le prolongement des mains en prières : le martyre est un don total du chrétien à Dieu, et se présente comme une sanctification. En-dessous de l'épée, on trouve la tête de Candide tombée au sol, dans une aire occupée par un champ de lettres qui remplit tout l’espace entre le corps du saint et celui de son bourreau. Ces lettres se répandent à l’image du sang du martyr, sources de fécondité sur terre, et c’est ce témoignage de foi – sacrifice vivifiant comme le sang du Christ dont il a suivi le chemin – qui fait de Candidus un saint efficace dans le monde, son âme présente auprès du Père, et les restes de son corps martyrisé ainsi que son témoignage reste sur terre sous la forme de relique et de vita.

La relique, qui est la tête du saint figurée dans l'image, est conservée, couverte de métaux et de pierres précieuses, dans la sculpture anthropomorphe qui domine le socle historié. Présentée à échelle humaine, elle donne des traits et une place à une relique qui reste invisible au regard : elle en est un signe iconique, métonymique et efficace. La vita mise en image sur ce socle et l'inscription rappellent d'où vient la capacité d’intercession du saint et sa capacité à accomplir les miracles (sa virtus) : « Alors que Candidus est supprimé par le glaive, son esprit rejoint les étoiles (astra), en échange du meurtre, la vie lui est donnée ». Quant à sa matérialité et sa facture (les métaux orfévrés et les pierres précieuses), elles servent à établir une mise en présence de Candidus dans son état de vie réelle, auprès du Père, parmi les saints, condition qui est la source sa virtus.  Il est montré aux fidèles dans son corps céleste, en une vision idéalisée et transfigurée par les effets de transformation de matière en rayonnement lumineux.

La définition de la sainteté évolue au cours du Moyen Age. Devenue un enjeu majeur de contrôle pontifical sans que ne cessent, pour autant, les cultes locaux « populaires », elle ajoute à la sainteté par martyre, la sainteté évangélique (au XIIIe siècle) puis la sainteté cléricale et théologique à la fin du Moyen Age. Ne nous y trompons pas, toutes ces nouvelles voies vers la sainteté concernent, comme le martyre, bien moins un état de corps qu’un état d’âme régissant le corps pour le mettre tout entier au service de Dieu. C’est ce qui explique qu’au cours du Moyen Age, ne changeront ni le statut de la relique, ni la façon dont elle prend place dans le monde des vivants : réelle et spirituelle, car lumineuse d’une présence à cheval sur deux mondes.


Rédaction

Isabelle Marchesin / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Isabelle Marchesin / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « Les écrins de la virtus » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 01 mai 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/977