La lumière comme marqueur de sainteté

Motif iconographique

Sans que ce principe soit largement décliné dans la tradition médiévale, il apparaît que la nature du nimbe, comme des mandorles, peut distinguer les figures en leur octroyant une intensité lumineuse spécifique. Reflet de l’adéquation intérieure de l’homme qui le porte au projet que Dieu a établi pour lui, le nimbe décrit un rayonnement de l’âme vertueuse qui se manifeste physiquement. Dans cette fresque, le Christ porte un nimbe doré et crucifère gravé de rayons, les apôtres ont des nimbes plus sombres mais également gravés, et le traître Judas, en bas à gauche, porte un nimbe peint en noir dont le halo extérieur manque de netteté.

À l’intensité de la sainteté correspond ici une gradation matérielle des nimbes : plus la figure représentée est proche du divin, plus son nimbe est réalisé dans un matériau précieux. Cette gradation matérielle des nimbes est également articulée avec la construction de l’espace lumineux : le Christ, situé au fond de la pièce, reçoit directement la lumière naturelle qui entre par la droite de l’image et se reflète entièrement sur son nimbe. Homme et Dieu, le Christ porte un nimbe d’or pur, lumière matérialisée : la lux qu’il renferme du fait de sa nature divine devient la plus belle des lumières réfléchies en se concrétisant en or.

Les nimbes des apôtres sont réalisés dans des matériaux plus humbles, puisqu’ils étaient sans doute faits d’or-partie, une technique qui employait une feuille d’argent recouverte d’une fine couche d’or ; l’argent s’est oxydé avec le temps, c’est pourquoi ces nimbes apparaissent aujourd’hui noircis, témoignant de la préciosité moindre du métal utilisé. Dorés à l’origine, ils avaient sans doute un éclat plus froid que celui du Christ, du fait de l’argent sous-jacent.

Le traître Judas, quant à lui, n’a droit à aucun métal précieux puisque son halo est fait de peinture noire. On retrouve ce même nimbe dégradé dans d’autres représentations de Judas du même cycle de fresques (voir Libre choix du mal). Les contours flous du halo contrastent avec ceux, très nets, des nimbes des apôtres et du Christ. La proximité physique entre Judas et Jésus, qui le domine déjà par position, accentue l’effet d’opposition entre les nimbes de deux figures : la Bonté divine fait d’autant ressortir l’obscurité et l’informité du Mal, qui lui est substantiellement inconciliable.


Rédaction

Mecthilde Airiau / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Mecthilde Airiau / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « La lumière comme marqueur de sainteté » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 01 mai 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/959