Les déclinaisons matérielles de la lumière créée

Motif iconographique

Première créature du Verbe, puisque créée par le premier énoncé divin de la Bible (Gn 1, 3), la lumière est ici figurée dans la première vignette (f. 3v) sous la forme d’un demi-disque blanc qui surmonte le demi-disque noir des ténèbres. Le Créateur, portant le nimbe cruciforme du Verbe, touche et bénit la moitié supérieure de l’orbe, indiquant par là-même que c’est la lumière qui est l’objet de sa création et de sa bénédiction. Cette lumière vient recouvrir pour moitié l’obscurité qui lui était préexistante. Cette opération de séparation, de distinction, est qualifiée par deux axes. Le premier est l’alignement de la bouche du Créateur, de son geste de bénédiction et de l’orbe qu’il tient. Le deuxième est l’alignement des yeux plissés et concentrés du Créateur, marqué par la position des pupilles, qui est orienté vers le centre de l’orbe et la ligne de séparation entre lumière et ténèbres. Le premier axe rappelle que c’est le Verbe, parole en acte, qui crée ; le second axe signale que l’émergence de la lumière dans le monde est à la fois la possibilité de voir, au sens propre, et de comprendre, au sens intellectif de la rationalisation.

Cet orbe bichrome doit aussi être compris à l’aune de la glose du texte et des trois vignettes suivantes. Terre et ciel n’étant distingués, et donc formés, qu’au deuxième jour (miniature du f. 4), l’orbe de la première vignette ne rend pas compte d’une distribution spatiale de la lumière et de l’obscurité ; elle définit, comme le précise la glose marginale du manuscrit, un endroit/source, l’Empyrée, où se tient le principe lumineux et les êtres qui en partagent l’essence. On ajoutera à cela que la partition de l’orbe définit aussi l’alternance jour-nuit servant de cadre à la narration à suivre. La vignette du troisième jour figurant la terre et ses quatre éléments (f. 5), représente, au centre, la terre avec sa végétation, et dans le plus extérieur des bandeaux concentriques, celui qui est couvert d’une couleur rouge-orangée, la matière la plus chaude et la plus haute car associée au soleil : le feu. Les luminaires, soleil et lune, sont représentés dans la quatrième vignette du quatrième jour (f. 5v). Tenus à bout de bras par le Créateur qui les place dans le ciel, ils sont couverts d’un aplat métallique doré qui évoque leur capacité à réfléchir et à accroître la lumière primordiale blanche du premier jour. La gamme chromatique choisie par l’artiste distingue ainsi les qualités substantielles et locales des différents types de lumière telle que Dieu les a inscrits dans sa Création.

En synthèse, on proposera que les vignettes qui figurent la création du monde par le Verbe, utilisent la lumière et ses déclinaisons comme moyen de figurer le principe de la séparation. Ce principe de distinction, initié par le Verbe divin, est intimement au langage et à sa faculté de rationalisation par distinction ; c’est, du reste, ce qu’Adam rejouera lorsqu’il nommera les animaux.

 


Rédaction

Isabelle Marchesin / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Isabelle Marchesin / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « Les déclinaisons matérielles de la lumière créée » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 01 mai 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/958