Pérégrination vers Dieu

Motif iconographique

La disposition des trois épisodes du récit de l’Épiphanie des Mages (Mt 2, 1-12) sur cette initiale D (de Deus) compose un récit qui tire profit de la forme même de la lettre.

L’initiale établit d’abord une opposition entre deux lieux de la topographie canoniques, Jérusalem et Bethléem, chacun monumentalisé en haut et en bas de la lettre par une porte de villes et un personnage qui lui est associé : la Vierge à l’Enfant en haut et Hérode en bas, chacun occupant la totalité d’un édicule figurant la crèche (domus) pour la première et le palais de Jérusalem pour le second. Ces deux lieux, qualifiés par les figures qui les occupent, sont formellement éloignés pour rendre compte aussi bien de leur distance géographique que de la distanciation de leurs qualités symboliques. La Jérusalem historique, à la base du fût de la lettre, est le lieu du pouvoir terrestre et le reflet de l’aveuglement de son roi ; Bethléem, qui surplombe, est le lieu de l’Incarnation, celui de la naissance du seul roi issu de la lignée de Juda (Mt 2, 6) et une image de la Jérusalem future.

La correspondance des deux lieux est marquée par une composition dynamique soutenue par une innovation iconographique conçue précisément pour cette lettrine : le voyage à cheval des Mages. Ce voyage ne figure pas celui que les Mages ont accompli de l’Orient vers Jérusalem (Mt 2, 1), mais celui qu’ils effectuent de Jérusalem à Bethléem après avoir demandé conseil à Hérode. Cet épisode, qui jusqu’à présent n’existait pas dans l’imagerie chrétienne, est singularisé sur cette lettrine à des fins bien précises. En s’éloignant de Jérusalem pour cheminer vers Bethléem, les Mages se détournent de la tromperie d’Hérode, dont les conseils sont interprétés comme une tentation placée sur leur route. Cet effort spirituel est récompensé par la réapparition de l’étoile au sortir du palais d’Hérode (Mt 2,10), à gauche du premier mage à cheval, indiquant que les cavaliers suivent à présent un signe divin et non un conseil humain. L’image insiste ainsi sur l’exégèse la plus répandue des commentateurs et non sur le récit évangélique lui-même, dans lequel Hérode indique aux mages le lieu de la naissance.

Un fort mouvement giratoire et ascendant, d’un lieu à l’autre autour du S de Deus, fait apparaître le cheminement des Mages comme un pèlerinage, à savoir un cheminement horizontal entre les deux lieux géographiques qui rend compte de l’élévation spirituelle qu’est le choix de la Vérité du Christ.  Les mages exemplifient le bénéfice spirituel que procure le pèlerinage :  une purification par un cheminement horizontal polarisé sur le sacré.


Rédaction

Mathieu Beaud / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Mathieu Beaud / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « Pérégrination vers Dieu » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 01 mai 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/904