L'élévation sur l'échelle de Jacob

Motif iconographique

Le motif de l’échelle de Jacob tiré du récit de la Genèse (Gn 28) est adapté dans ce manuscrit pour évoquer la discipline monastique. L’échelle fait la liaison entre deux lieux distincts, l’un terrestre et l’autre céleste. Dans le semi-médaillon du bas, la patriarche Jacob est allongé sur le sol, la tête posée sur une pierre rectangulaire, celle qu’il oindra et érigera à Béthel à son réveil en prononçant les paroles inscrites sur le phylactère qu’il tient à la main : « Vere locus iste sanctus est » (« Ce lieu est vraiment saint », Gn 28, 16). Dans le semi-médaillon du haut, aux cieux, le Christ en buste est entouré de deux saints en position de bienheureux : saint Benoît rédigeant sa Règle et saint Bernard, en habit blanc, portant une crosse et le codex contenant ses écrits.

Huit anges forment deux processions : l’une qui gravit les douze échelons de l’échelle pour se diriger vers les cieux et l’autre qui les descend pour se diriger vers la terre, conformément au songe de Jacob (Gn 28, 12).

Cependant, la lecture du cortège angélique relève d’une interprétation monastique et moralisante du passage biblique. Les douze échelons d’or sont les douze degrés de l’humilité qu’établissait au VIe siècle la règle de Benoît de Nursie d’après son exégèse du Songe de Jacob. Cette règle a été retravaillée au XIIe siècle par Bernard dans son De gradibus humilitatis et c’est le contenu de ce dernier traité qui est résumé dans la table schématique placée à gauche de la miniature. Sur la colonne de gauche de cette table s’échelonnent les degrés de l’humilité, et sur celle de droite, ceux de l’orgueil.

C’est le sens de lecture de ces deux colonnes que reprennent les mouvements contraires des processions angéliques le long de l’échelle [C. Heck, 1997]. Quatre anges s’élèvent vers Dieu en s’humiliant devant lui. Le Christ séjournant aux cieux prend la main du premier ange pour l’accueillir à ses côtés. En revanche, l’ange au sommet de l’échelle, qui amorce sa descente, tient un phylactère sur lequel est écrit « Ponam sedem meam ad aquilonem, et ero similis excelso » (« J’installerai mon siège au nord, je serai semblable au Très-Haut »), paraphrase d’Isaïe 14, 12-15. Cet ange, c’est l’astre du matin (Lucifer dans la Vulgate), la première créature s’étant rebellée contre Dieu. Les quatre anges descendant s’abaissent donc par orgueil, péché qui « élève » la créature contre Dieu et l’en éloigne. Ces anges, qui ne sont plus nimbés, cheminent en direction de la terre, mais leur destination est ailleurs, puisqu’un diable armé d’une hache prend la main de l’ange arrivé au bas de l’échelle pour l’intercepter et le détourner du lieu où se repose Jacob.

La dialectique des mouvements verticaux de progression et de dégradation exprime la possibilité des deux directions que l’homme peut emprunter : les échelons descendus par orgueil peuvent, à l’inverse, être gravis comme une élévation vers Dieu.


Rédaction

Mathieu Beaud / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Mathieu Beaud / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « L'élévation sur l'échelle de Jacob » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 01 mai 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/902