Mutation comme spiritualisation
Thématique iconographique
Le processus de spiritualisation est la transformation que l’Esprit opère sur les âmes et les corps, qu’il agisse sur les humains (par exemple dans le cadre des sacrements ou de la sanctification) ou qu’il soit activé intérieurement par les humains. Elle harmonise, réconcilie en quelque sorte, le corps et l’âme, et perfectionne la créature pour la conduire à la connaissance de sa similitude avec le Créateur. C’est cette proximité qui forme l’axe central de la spiritualisation.
Le corps est caractérisé par sa plasticité, c’est-à-dire par sa capacité à la transformation. S’il est capable d'être modifié dans sa forme et de témoigner de l'état de l'être qui le possède (voir Corps altéré), il peut aussi mettre cette aptitude plastique au service de la dévotion et de la ressemblance au Christ (voir Corps spiritualisé, Image comme corps), qui lui confère une sacralité nouvelle. L’origine et les causes de l’apparition des stigmates de saint François a été âprement débattue à partir de la fin du XIIIe siècle, ainsi que le rôle de l’imagination et des puissances de l’âme dans le processus. De fait, il semble que pour une partie des théologiens, la participation de l’imagination du sujet pouvait être admise avec le concours de la Grâce : le corps se fait support d’images en recevant les stigmates.
La subordination du corps à l’influence de l’âme est un point clef du processus de spiritualisation. En aucun cas, le corps, inférieur, ne peut agir sur l’âme, mais l’inverse est précisément engagé dans la spiritualisation de la chair qui est une préparation (parfois même une anticipation) de la résurrection dans un corps céleste, lorsque le corps vivra selon l’esprit et non plus selon la chair (Rm 8 et Augustin, La Cité de Dieu 14).
C’est également ce qui intervient dans la Résurrection des corps, considérée comme un miracle de re-création des corps. La Résurrection, en tant que restauration complète du corps produit un être unifié ontologiquement différent et supérieur à celui qu’il fut sur terre ; il s’agit sans doute là de la seule véritable métamorphose de l’Homme admise par le christianisme médiéval. La description du corps glorieux faite par Robert Grossetête vers 1230 témoigne de cette mutation profonde qui donne à la chair des qualités qui sont celles de l’âme (voir Corps spiritualisé).
L’âme elle-même est sujette à des mutations, et peut perdre sa forme, à défaut de mourir parce que le péché lui a fait perdre sa ressemblance à Dieu et, sa forme est sujette à des changements, positifs comme négatifs, qui reflètent son état. La corporéité qu’on lui prête dans les images, son agitation ou ses déformations lorsqu’elles sont figurées, exprime son état de souillure et/ou de souffrance, tandis que son harmonie, son calme et sa conformité avec le Christ indique sa purification progressive. Les représentations du Purgatoire, à la fin du Moyen Âge, montre précisément ce type de transformation.