Vision du corps

Thématique iconographique

Deux modèles antiques décrivent, au Moyen Age, le fonctionnement physique de la vision : l’émission (ou extramission) et l’intromission. Le premier, privilégié pendant le haut Moyen Âge, part du principe que l’œil émet des rayons lumineux qui « touchent » l’objet de la vision et rebondissent pour revenir vers l’œil du regardeur. À la suite de la traduction de plusieurs textes arabes sur la mécanique de la vision, notamment les œuvres du savant Alhazen (965-1039), l’intromission devient la principale théorie de la vision dans le monde médiéval. Selon cette école de pensée, les rayons lumineux sont émis par toutes les parties d’un objet et pénètrent l’œil du regardeur. Ce sont surtout les rayons perpendiculaires qui informent la perception du spectateur, le plaçant en position de récepteur, alors que le modèle précédent lui donnait un rôle actif. Le discours scientifique du XIIIe siècle tend à combiner ces deux théories : pour Robert Grosseteste comme pour Roger Bacon, les rayons de la lumière extérieure (species sensibilis, empreinte sensible de la lumière) rencontrent ceux de l’œil (species apprehensibilis), qui procèdent de l’activité cognitive du récepteur ; les formes sensibles des objets visibles dans le monde sont rendues intelligibles par la raison, qui a donc un rôle actif dans l’activité de vision. Grosseteste en fait le sens le plus élevé, la lumière (lux) étant la matière la plus subtile : elle est si raffinée qu’elle a davantage en commun avec les formes incorporelles qu’avec la matière corporelle (De Luce, 10). Elle est pour cela le parfait intermédiaire entre le corps et l’âme, les objets sensibles et l’intelligence. La vue est donc un processus physique qui, malgré les limites du corps, la faillibilité et les risques d’illusions, permet l’accès au divin, parce qu’elle crée une interface particulièrement subtile entre l’homme et le monde. La vue, parfois seconde par rapport à l’audition, a été considérée comme l’un des deux sens les mieux à même de saisir le sensible.


Rédaction

Nicolas Varaine (avec la participation de Nancy Thebaud) / Direction scientifique : Sébastien Biay, Isabelle Marchesin


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Nicolas Varaine (avec la participation de Nancy Thebaud) / Direction scientifique : Sébastien Biay, Isabelle Marchesin, « Vision du corps » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 01 mai 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/834