Vision de l'âme

Thématique iconographique

La vision spirituelle, dans l’économie de la pensée augustinienne, occupe un rang intermédiaire entre sensation et intellection ultime et a un rôle éminent dans la culture médiévale. Elle comprend l’ensemble des visions immatérielles (imago/imagines) élaborées à partir des données transmises par tous les organes des sens, articulées les unes aux autres par une cogitatio associant souvenir, imagination et compréhension. La délimitation entre visio spiritualis et visio intellectualis s’efface souvent dans la littérature au profit d’une distinction entre les yeux de la chair (oculus carnis) et ceux de l’esprit (oculus mentis). Il ne s’agit pas d’un simple processus de réception, mais d’une élaboration interne qui rend présentes les imagines à la pensée. Dans un contexte dévotionnel, ces images mentales jouent un rôle crucial. Elles sont une voie privilégiée pour l’appréhension des mystères divins en leur donnant une forme intelligible à l’homme. Cependant les images, qu’elles émanent du corps ou qu’elles relèvent de la Révélation (vision de Jean dans l’Apocalypse), sont investies d’un sens dont la compréhension peut être reçue en même temps que la vision elle-même, ou requiert le discernement de celui qui la reçoit. C’est en tenant compte du rôle du corps et de son effacement progressif, lorsque la vision se hisse vers la signification divine, que se sont constituées les principales typologies de la vision de l’âme, et ce dès l’Antiquité. La classification des rêves, qui constituent l’une des déclinaisons de la vision de l’âme, est particulièrement empreinte de cette tension entre le corps et l’intellect. Empruntant aux commentaires de Macrobe sur le Songe de Scipion de Cicéron, les Pères de l’Église, Augustin et Grégoire en particulier, ont établi des taxinomies qui ont été glosées tout au long du Moyen Âge. À l’implication ou non du corps s’ajoute, notamment chez Augustin, la question de l’origine de la vision : outre le rêve produit par le corps seul (mémoire et sensation), à la vérité du rêve envoyé par Dieu répond la défiance envers les « faux rêves » d’origine maléfique ou démonique. L’interprétation de ces visions est tournée vers l’avenir : l’on y déchiffre directives divines, présages et injonctions. Comme dans la Bible, une solide interprétation est cruciale pour comprendre le contenu exact d’un rêve ou d’une vision.


Différents degrés de la vision de l’âme se dessinent ainsi, qui impliquent un recours variable à la médiation iconographique, que les images soient images-objets (artefacts en contexte), medium réflexif (images dont l’un des enjeux est d’expliquer ce qu’est la vision), ou images mentales (figuration d’un invisible).


Rédaction

Nicolas Varaine (avec la participation de Nancy Thebaud) / Direction scientifique : Sébastien Biay, Isabelle Marchesin


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Nicolas Varaine (avec la participation de Nancy Thebaud) / Direction scientifique : Sébastien Biay, Isabelle Marchesin, « Vision de l'âme » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 01 mai 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/833