Regard concupiscent

Motif iconographique

Alors que Loth, ses filles et son épouse fuient la destruction de Sodome et Gomorrhe, la femme de Loth se retourne pour regarder la scène, enfreignant un interdit divin, en punition de quoi elle est transformée en statue de sel (Gn 19, 26). L’inscription qui entoure le vitrail rappelle cet interdit : « Il est défendu à Loth de regarder en arrière afin qu’il soit sauvé. De même les Sabéens évitent de chevaucher à travers le royaume d’Hérode ». Le vitrail de Canterbury place la femme de Loth au centre du panneau, isolée sur le fond bleu et séparée des autres personnages par un arbre. Son caractère statique et l’absence de couleur qui la distinguent des autres personnages, montrent que sa transformation es déjà amorcée. Le caractère transgressif de sa vision est exprimé par la torsion anormale de son cou : alors que son corps est tourné vers la gauche, sa tête est entièrement tournée vers le côté opposé, dans un mouvement qui a été rapproché de l’iconographie de la figure de l’Hérésie dans la Psychomachie de Prudence. En regardant en arrière, la femme de Loth tourne le dos à Dieu : « en mémoire d’une âme qui ne voulut pas croire, se dresse une statue de sel » (Sg 10, 7) L’image traduit à la fois l’infraction de la loi prescrite et l’attachement de la femme de Loth à la cité damnée [M. Caviness, 2001]. Tandis que Loth et ses filles, guidés par des anges, entament un mouvement ascensionnel sur une colline verdoyante, elle reste au contact visuel et physique de la cité condamnée, du côté de la mort. Par la rigidité de son corps, l’épouse de Loth peut être assimilée à l’arbre sans couleur qui la précède et à la minéralité des ruines de Sodome. On retrouve dans la mise en scène de cet épisode le principe fondamental de la rupture de l’Alliance, par le détournement du regard de l’arbre de vie vers l’arbre de la connaissance du bien et du mal et, en conséquence, l’émergence du regard concupiscent lors du péché originel. C’est cette lecture que propose Augustin (Cité de Dieu XVI, 30), où il voit dans cet épisode une préfiguration du Jugement Dernier. Selon lui la femme de Loth, en regardant en arrière, renonce à la régénération par la grâce.

 


Rédaction

Nicolas Varaine (avec la participation de Nancy Thebaud) / Direction scientifique : Sébastien Biay, Isabelle Marchesin


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Nicolas Varaine (avec la participation de Nancy Thebaud) / Direction scientifique : Sébastien Biay, Isabelle Marchesin, « Regard concupiscent » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 01 mai 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/828