Connaissance de Dieu
Motif iconographique
Cette plaque d’ivoire donne à voir deux régimes de perception du corps du Christ ressuscité. La partie basse montre l’incrédulité de Thomas. La scène se déroule dans une pièce fermée. L’apôtre est figuré au-dessus d’une porte close, dont le verrou imposant, comparativement aux deux minuscules fenêtres, renforce l’effet de clôture. L’incrédulité de Thomas mobilise non seulement la vision - les yeux des apôtres qui se tiennent de part et d’autre du Christ sont tournés vers lui, formant une ligne de regards - mais aussi le toucher, puisque Thomas enfonce son doigt dans la plaie du Christ. Une tension apparaît entre l’immatérialité du Christ qui a traversé les murs pour se joindre aux apôtres, et la présence réelle de ce corps ressuscité qui est rendu visible par la trace du clou sur la main droite du Christ et qui est signifiée par le contact de l’index de Thomas avec la plaie au côté. Thomas croit ainsi par la preuve matérielle que la vision participe à reconnaître : le caractère concret du miracle est exprimé à travers la complémentarité des preuves apportées par les sens [F. Dell'Acqua, 2012].
À cette vision corporelle répond le Noli me tangere du registre supérieur. La scène se construit en deux temps. Sur la gauche, Marie-Madeleine lève les yeux vers le Christ et tend les mains dans un geste de demande d’union ; on notera que son pied gauche vient effleurer le pied du Christ. A droite, Marie-Madeleine a baissé son regard et son pied est isolé de celui du Christ par un arbuste : sa vision est coupée du monde sensible, elle ne considère plus le Christ avec son corps mais elle a glissé de la vision corporelle, première étape de sa rencontre avec Jésus qu’elle a pris pour un jardinier, à une compréhension intellectuelle de la vérité divine. Ce changement de plan se traduit peut-être dans la configuration du végétal : au sein du jardin de gauche, une fleur pousse à partir du bras du Christ, à la verticale de Marie-Madeleine ; sur la droite, par sa vision spirituelle, Marie-Madeleine a pris littéralement corps à l’intérieur du magma végétal, dont elle fait partie. La dématérialisation de l’acte de foi qui s’opère entre la partie basse et le registre supérieur de la plaque marque ainsi le passage des sens corporels aux sens spirituels et ainsi de la vision corporelle à la vision de l’âme ; au registre supérieur un second glissement s’opère de gauche à droite, d’une vision spirituelle vers une vision intellectuelle (vision par participation) [I Marchesin, 2017].