Pèlerinage spirituel

Motif iconographique

Attestée dans les milieux monastiques au moins depuis le XIe siècle, la pratique du pèlerinage mental se diffuse au XIVe siècle auprès des laïcs. Au déplacement physique du fidèle vers des lieux saints, se substitue le pèlerinage mental, qui apparaît d’abord dans la littérature avant de connaître une certaine fortune picturale, notamment aux Pays-Bas. Le triptyque de Robert Campin conservé à Londres met en image le cheminement spirituel du commanditaire figuré dans le panneau de gauche. Celui-ci vient de parcourir la route sinueuse qui traverse verticalement le panneau, qui n’est autre que le chemin du calvaire : après avoir dépassé le Golgotha, le pèlerin est montré en prière et assiste à la mise au tombeau, à laquelle est consacré le panneau central. Le phylactère, dont le texte est aujourd’hui perdu, contenait vraisemblablement une prière ; par sa forme, il évoque la route du pèlerinage mental effectué en prière. Dans le panneau central, le regard de l’ange de gauche inclut le donateur d’une scène qui, par sa frontalité, s’offre aussi au regard du spectateur du triptyque. Le panneau de droite montre la destination du pèlerinage : derrière la résurrection du Christ, une route peu discernable s’ouvre à l’horizon, suggérant le retour du fidèle vers le Créateur, après qu’il aura suivi les pas du Christ [M. Botvinick, 1992]. La vision mentale convoque à la fois le commanditaire et les spectateurs du triptyque. Le premier, représenté dans la partie gauche, revit en prières un pèlerinage qu’il connaît par les récits et qui le ramènent à une expérience visionnaire des lieux et des temps de la Passion du Christ. Mais la vision est également offerte aux spectateurs qui sont invités à se l’approprier en effectuant à leur tour un cheminement mental d’une double nature. Comme le commanditaire, ils cheminent en imagination par les Loca santa (le Golgotha et le Saint Sépulcre), jusqu’à associer leur chemin de Salut au sentier qu’ils emprunteront à la suite du Christ dans le panneau droit. Le second chemin, se superposant au premier, est le périple que les fidèles ont accompli à l’intérieur de l’église jusqu’à l’autel, où le prêtre rejoue le sacrifice du Christ et sa résurrection, afin d’y rencontrer le retable. L’expérience corporelle se trouve articulée avec l’espace pictural et les opérations d’imagination pour définir, par l’entremise d’une vision herméneutique, ce qu’est l’eucharistie.


Rédaction

Nicolas Varaine (avec la participation de Nancy Thebaud) / Direction scientifique : Sébastien Biay, Isabelle Marchesin


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Nicolas Varaine (avec la participation de Nancy Thebaud) / Direction scientifique : Sébastien Biay, Isabelle Marchesin, « Pèlerinage spirituel » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 01 mai 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/821