Mutation comme altération

Thématique iconographique

Le corps étant une matière malléable soumise à l’influence de l’âme (voir Corps altéré), son apparence est susceptible de se modifier de manière à soit se conformer à une nouvelle disposition intérieure, soit à réagir à des facteurs extérieurs.

Toute transformation de l’humain qui ne découle pas de la volonté de Dieu est contre-nature, puisque contraire à l’ordre établi. La théologie chrétienne, allant à l’encontre des conceptions païennes de la métamorphose exemplarisées par l’œuvre d’Ovide semble nier la possibilité d’une transgression des catégories du vivant et de la transformation complète d’un homme en animal ou en végétal. Une altération de sa forme et de son comportement peut toutefois se produire mais elle restera partielle et transitoire. Les démons ne peuvent pas non plus affecter l’ordre naturel, ils peuvent seulement créer une illusion de changement, en  brouillant les apparences ou en affectant la perception des spectateurs. Augustin d’Hippone, notamment, y consacre une partie du chapitre 18 de la Cité de Dieu en affirmant l’impossibilité pour le Diable d’agir ontologiquement sur la création.

Ce brouillage des catégories concerne toute la Création mais, pour le chrétien, cela est surtout questionné à propos de l’écart entre l’homme et l’animal. Il semble dans ce cas plus juste d’évoquer un ensemble de processus d’animalisation qui sont à l’œuvre dans l’homme : en adoptant des comportements qui le rapprochent de sa composante la plus corporelle et la moins spirituelle, l’homme perd de sa conformité avec Dieu et voit son apparence altérée en conséquence. Ainsi, le corps post-lapsaire est un corps charnel et sexualisé qui résulte de la perte de ses qualités substantielles premières autant que de la perte de la place originelle échue à l’humain au sein de la Création. Le processus d’animalisation peut être soit un châtiment qui sanctionne une transgression (c’est le cas des démons qu’Augustin d’Hippone classe dans le règne animal, Cité de Dieu, VIII, 16), soit la révélation extérieure d’un état intérieur, ce qui est le cas des nombreuses images de la tentation d’Adam, où Eve et le serpent sont représentés avec des similitudes physiques.

Enfin, la mutation est aussi un processus d’altération quand il touche un corps privé de son principe animateur : les représentations du cadavre à partir de la fin du Moyen Âge induisent, par la déformation plastique des traits, la perte de la similitude divine portée par l’âme. Redevenu pure matière, le corps est voué à la corruption, parce qu’il cesse d’être uni à la substance spirituelle qui lui donne le mouvement et la vie. Isidore de Séville fait ainsi découler le terme corpus de corruptum, ce qui souligne a contrario le signe d’élection divine que constitue l’imputrescibilité du corps saint.


Rédaction

Marion Loiseau / Direction scientifique Sébastien Biay, Isabelle Marchesin


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Marion Loiseau / Direction scientifique Sébastien Biay, Isabelle Marchesin, « Mutation comme altération » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 27 décembre 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/799