Temps

Rubrique

Le temps apparaît avec la Création : le premier jour, Dieu sépare la lumière des ténèbres, et c’est de l’alternance du jour et de la nuit que procède le défilement temporel (Gn1, 4-5). C’est par son mouvement que le temps se caractérise, en opposition à l’éternité de Dieu. Selon Augustin, cette éternité ne peut se mesurer avec des concepts humains : elle ne se présente pas comme une succession infinie de siècles, mais comme une sorte de présent éternel. Dieu se tient donc en dehors du temps et il n’y a ni passé avant la Création ni futur après la fin du monde et donc la fin des temps.

Le temps est sensible à l’homme par son passage, c’est-à-dire par les transformations sensibles qu’il opère : dans l’esprit humain se conjuguent le souvenir du passé, l’attention au présent, et l’attente de ce qui est à venir. La mesure du temps, c’est-à-dire sa rationalisation, consiste en une évaluation de rythmes, d’intervalles quantifiés, c’est-à-dire de cycles. On les identifie, en particulier, en observant les mouvements réguliers des astres, que seule l’intervention divine peut modifier (Josué 10, 12-13), mais ils sont aussi sensibles dans l’expérience singulière d’une vie humaine.

Dans la pensée chrétienne, plusieurs temporalités se superposent. Un temps linéaire tout d’abord, celui de l’histoire du monde. Son point de départ est la Création. Il est polarisé par l’Incarnation, le Sacrifice et la Résurrection du Christ, qui distinguent un temps ancien et un temps nouveau, dans lequel les médiévaux se tiennent tout autant que les apôtres ou les Pères de l’Église. Il s’achève après le Jugement Dernier. Ce temps historique, l’historia biblique et l’histoire du monde jusqu’au temps présents (en particuliers les successions d’empires), apparaît aux chrétiens comme orienté vers sa propre fin : il est la réalisation progressive du dessein de Dieu de faire remonter à lui la Création déchue. Ce récit historique est donc téléologique (lié à une seule finalité) et eschatologique (il annonce sa propre fin).

L’historia s’articule avec un temps cyclique, calqué sur la répétition propre aux cycles naturels (lunaisons, saisons) christianisés par le calendrier liturgique qui rejoue dans une itération infinie le Salut promis par le Christ par sa propre Résurrection. Ce temps redistribue, autour de la fête mobile de Pâques (positionnée grâce au comput), toutes les étapes et explications du processus salvifique. Si chaque messe est une actuation du Sacrifice dans un présent sans cesse renouvelé, chaque jour de l’année, distribué en grandes périodes, est associé à la commémoration d’un événement lié à la vie du Christ ou à une figure majeure de la construction de son Église. Ce temps liturgique  constitue une sorte de capsule historique, la vie du Christ, déclinée en une seule année, qui escorte le temps linéaire vers sa fin.

Démêler ces différentes temporalités serait nier la complexité de la conception médiévale du temps, où se conjuguent sans cesse linéarité, cyclicité et attention au présent ; c’est par un jeu d’échelle qu’il a semblé le plus judicieux d’aborder cette rubrique. Le temps de Dieu, qui relève d’une éternité inaccessible à la compréhension humaine, s’apparente ainsi à un présent éternel où s’accomplit l’acte créateur. Sur le plan collectif, une lecture linéaire du temps historique providentiel s’associe à la sanctification de chaque moment par la liturgie. À l’échelle de l’individu, c’est le bon usage du temps qui se pose, en vue de se préparer pour le jugement dernier. C’est également sur le plan cosmique que se pose la question du temps : avec le péché originel, le passage du temps paradisiaque à celui de la chute interroge le déploiement du principe de vitalité qui anime toute la création.


Rédaction

Nicolas Varaine / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Nicolas Varaine / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « Temps » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 26 décembre 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/776