Mort
Rubrique
La mort rompt le lien entre l’âme et le corps. Elle est conçue comme telle dans l’ontologie chrétienne. Cette rupture est un châtiment : la mort est la conséquence inéluctable du péché originel et seul Dieu a le pouvoir de délivrer de cette fin, sous réserve de conversion (Jb 33, 19-30) : la mort a été vaincue par le Christ et cette victoire est la condition du Salut. Alors que l’Ancien Testament accorde relativement peu d’importance à l’au-delà, la mort est, dans le christianisme médiéval, autant un commencement qu’une fin. Bien qu’étant l’achèvement de la vie terrestre, elle marque pour les saints la naissance à la vie spirituelle. Pour les pécheurs elle inaugure une période de purification des péchés qui se concrétisera au XIIe siècle avec l’invention du Purgatoire. L’âme étant destinée à revenir à son corps, c’est aussi une période d’attente — attente de la résurrection, à l’horizon eschatologique. L’âme et le corps ne sont en effet pas irrémédiablement séparés, car l’âme demeure en partie liée à son enveloppe charnelle condition de la résurrection dans un corps glorieux.
La mort se définit donc premièrement comme une rupture ou un seuil, nécessitant un encadrement rituel tant pour le soin du corps que pour la vie continuée de l’âme (Mort comme rupture et transition). L’âme et le corps sont séparés et conduits dans des lieux distincts. La rupture s’opère non seulement entre l’âme et le corps, mais aussi entre l’individu et son existence terrestre : la mort est la sortie du monde, elle abolit les conditions humaines qui distribuent les rangs dans la société. Mais elle n’abolit en rien l’identité de la personne, qui perdure en vertu de l’immortalité de l’âme. Celle-ci connaît un premier jugement, individuel, préfigurant le jugement dernier (Mort eschatologique).
Dans l’anthropologie chrétienne, à la mort physique répond une mort spirituelle : la Chute. Elle est la conséquence directe du péché originel (Mort conséquence du péché) ; elle n’a donc pas été désirée par Dieu lors de la création. La mort spirituelle est une privation de la présence et de la vision de Dieu. Elle est le destin ultime des damnés : l’enfer du jugement dernier est un lieu d’enfermement et de souffrance éternel. Néanmoins, c’est parce qu’elle ne fait pas partie de la Création telle qu’elle est constituée dans son état originel que le Christ a vaincu la mort par son sacrifice, rachetant ainsi l’humanité. Le baptême, en effaçant la trace du péché originel, est à la fois une mort rituelle et une renaissance. De la même manière, la mort du Christ est un instrument de salut qui réorganise par la résurrection qui lui succède, ouvre à l’Homme le chemin de la rédemption, c’est-à-dire la possibilité pour chacun de ressusciter à son tour dans un corps glorieux (Mort vaincue).
À l’image du Christ, la mort comme sacrifice est une offrande de soi qui prépare la victoire à venir. Le sacrifice du Christ annule et remplace l’ensemble de ceux de l’Ancien Testament : l’eucharistie devient le seul sacrifice recevable par Dieu. L’offrande de soi peut prendre d’autres formes : celles de la mortification charnelle par l’ascèse, et celle du martyr (Mort comme sacrifice).