Mort comme sacrifice
Thématique iconographique
Avec le sacrifice du Christ, la mort devient un instrument de Salut. Sa mort volontaire représente l’aboutissement et la réunion, en un seul acte, de tous les sacrifices de l’Ancien Testament, qu’il résume et accomplit définitivement en les dépassant. En dénonçant la mort — terme naturel de la vie (Gn 25, 8) — comme une conséquence du péché, la théologie paulinienne en fait un instrument de Salut (Salut par l’Incarnation) : le Christ a libéré l’Homme de la chair et du péché ; mourir avec lui, c’est vaincre la mort (Rm 8, 2s ; Ap 14, 13). La mort peut dès lors constituer un témoignage de fidélité ultime à Dieu. « Glorieuse aux yeux du seigneur est la mort de ses saints » (Ps 115, 16) : le martyr est envisagé à la fois comme une imitation accomplie du sacrifice du Christ et comme une acceptation de la foi au prix de la vie.
Dans cette optique, la rupture du lien âme-corps est vue comme une libération de l’âme, auparavant emprisonnée dans le corps (on retrouve, chez Augustin d’Hippone notamment, le terme d’ergastulum : la prison). Les premiers siècles du Moyen Âge sont ainsi fortement marqués par cette valorisation de la mort comme une libération du monde : la liturgie funéraire des IXe et Xe siècles la compare par exemple à la Pâques et à la libération d’Israël. On célèbre en outre le jour de la mort des martyrs comme étant celui de leur naissance céleste : l’accomplissement se trouve dans le passage salvateur de la mort. Le martyr est à la fois le témoin de la véracité de la parole christique mais aussi celui qui, en renonçant à sa propre existence, accomplit déjà la rupture âme-corps par détachement vis à vis de ses propres souffrances.
Ce mépris du monde terrestre, que l’on retrouve dans la patristique et dans le monachisme, posent l’ascèse comme une anticipation de l’existence idéale des âmes élues au Paradis. Le terme d’ascèse (askèsis) signifie étymologiquement préparation. Sa perspective originelle est eschatologique, mais il s’agit également de la préparation du corps à la mort et à l’existence dans l’au-delà : le devenir post-mortem devient l’horizon final du chrétien qui est encouragé à délaisser les passions et les richesses terrestres pour se consacrer à la perspective de l’au-delà. L’ascète, en renonçant à tout, prépare sa mort au monde. Paul de Tarse incite ainsi le fidèle à « offrir [son] corps comme une hostie vivante sainte, agréable à Dieu » et l’exhorte : « ne vous conformez pas au siècle présent mais transformez-vous dans le renouvellement de votre intelligence » (Rm 12, 1-2).