Corps comme image

Thématique iconographique

Si l’âme ne peut pas agir dans le monde sans le corps, alors on peut concevoir que la représentation plastique des corps, sous la forme d’images matérielles, puisse être le réceptacle d’une présence transcendante. A contrario, le corps lui-même peut devenir le réceptacle d’une entité transcendante, et ce par une relation d’image entre un corps de chair et un corps spiritualisé.

Lieu possible d’une présentification du prototype qu’elles représentent, les images matérielles, et plus particulièrement les statues, sont donc le lieu d’une sorte de rejeu mineur de l’Incarnation : les statues de culte, qui possèdent déjà la tridimensionnalité des corps et peuvent être approchées par les dévots, deviennent des images miraculeuses, capables de s’animer, de se déplacer, d’agir, de ressentir : la littérature médiévale abonde en exemples de statues qui répondent à des gestes ou des paroles ("Du clerc qui mit l’anneau au doigt de la Sainte Vierge" chez Gauthier de Coincy vers 1260), qui sont frappées ou blessées (voir les exemples cités par Jean-Marie Sansterre), ou qui reçoivent des fidèles les mêmes soins qu’une personne réelle. Cette présence du sacré dans l’image est aussi le vecteur d’une sacralisation du lieu où elle se trouve. Les qualités corporelles de ces images incarnées sont parfois affirmées au point qu’elles ressemblent à des corps véritables ou qu’elles sont traitées comme telles.

Ainsi, certaines statues ou icônes (telle celle du Sancta Sanctorum à Rome qui a été progressivement dissimulée sous les ornements) sont habillées, manipulées, déplacées au cours de certains rites. Le fait que l’on conserve pendant de longues périodes des statues réputées investies d’un pouvoir miraculeux illustre cette conception de l’image réceptacle de son prototype, et en quelque sorte nouvel avatar de celui-ci, site particulier de sa présence sur terre.

La dévotion peut conduire à faire de son propre corps ce réceptacle d’un prototype transcendant. La stigmatisation constitue le paroxysme d’un processus d’identification au Christ, au cours duquel la chair malléable du fidèle reçoit l’empreinte des souffrances du Christ. Le corps du dévot devient alors image du Christ lui-même.


Rédaction

Marion Loiseau / Direction scientifique : Sébastien Biay, Isabelle Marchesin


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Marion Loiseau / Direction scientifique : Sébastien Biay, Isabelle Marchesin, « Corps comme image » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 21 décembre 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/16