Âme in-formée
Thématique iconographique
Au cours du Moyen Âge, la représentation la plus fréquente de l’âme est sous la forme d’un corps. Son apparence peut varier : souvent non sexuée et le plus souvent nue, elle prend la forme d’un être humain miniature ou d’un enfant. Jérôme Baschet relève que les représentations somatomorphes de l’âme oscillent entre deux pôles qui sont la nécessité de différencier l’âme et le corps d’un côté, et de l’autre rappeler qu’il s’agit de l’âme d’une personne en particulier. Il en résulte des modes de représentation variés et qui semblent parfois différer des discours théologiques qui en font un principe essentiellement immatériel : le corps est ici un moyen de représentation, un signe iconique, mais il semble avoir été interprété de manière différente. Certains théologiens se moquent ainsi de ceux qui, parce que les âmes occupent les corps, pensent qu’elles en ont auraient aussi la matérialité.
Au tournant du XIIIe siècle, lorsque s’imposent peu à peu des conceptions issues des relectures d’Aristote, l’âme sous forme humaine paraît faire l’unanimité. Donnant sa forme au corps, il semble naturel qu’elle en ait l’apparence : ses propriétés sont toutefois différentes et l’âme représentée comme un corps n’en a rien de la pesanteur charnelle.
Les propriétés substantielles de l’âme sont exprimées de manières diverses. Parmi les substances terrestres, c’est le feu et l’air qui sont les plus proches et les mieux à même de retranscrire sa nature spécifique, car les plus subtiles et les plus hauts. Les représentations de l’âme sont souvent liées à celle de la lumière. Elle est vectrice de l’âme lorsqu’un rayon introduit celle d’Adam dans son corps ou lorsqu’une mandorle lui sert de véhicule. La lumière est aussi constitutive de l’âme, mais non pas en tant que qualité propre mais que réceptacle du rayonnement de Dieu qu’elle reçoit et réfléchit. Pour Augustin d’Hippone, il est le soleil de l’âme (De Genesi ad Literam, XIII:31), qui elle-même éclaire le corps. En découlent des représentations qui lient l’âme à la lumière ; une lumière qui sanctifie, témoigne de la présence de Dieu, et constitue un principe immatériel, immortel et néanmoins visible, infusé dans la matière. Au contraire du corps qu’elle quitte, l’âme demeure incorruptible (voir matière pérenne ou corruptible), si bien que l’on peut considérer certaines de ses représentations sous la forme d’un petit enfant comme le signe d’un retour à un état premier qui n’aurait pas subi les mutations et les altérations opérés par le temps sur le corps de l’homme.
La substance de l’âme, si elle est sans corps, a comme toutes les créatures, une forme, une temporalité partagée et un ou plusieurs lieux. Les images lui accordent une dimension tangible, qui traduit autant les conceptions médiévales sur la substantialité de l’âme, que la corporalité qu’on lui prête dans le cadre des châtiments du Purgatoire, un phénomène qui va en s’accentuant à la fin du Moyen Âge. C’est ici que l’on observe la plus forte relation de l’âme au corps dont elle adopte la forme : la corporalité d’une âme, ou son adhésion à l’agitation charnelle, est signe de péché. L’âme cesse d’être à l’image spirituelle de Dieu, pour se réduire à l’image du corps de la personne qui la possède, L’âme perd alors sa similarité divine, sa beauté et sa bonté.