Le chrisme signe de l’ordre cosmique

Motif iconographique

« Au plan invisible, il (le Seigneur) soutenait toutes choses créées et se trouvait imprimé (infixus) en forme de croix dans la Création entière en tant que Verbe de Dieu gouvernant et disposant toutes choses », Irénée de Lyon, Contre les hérésies, livre 5. La croix du baptistère de Naples, flanquée de l’alpha et de l’oméga qui évoque la totalité du temps, et surmontée par la couronne martyriale qu’une Main de Dieu dépose sur le chrisme, est imprimée sur un fond étoilé, cernée d’un anneau à partir duquel se déploient huit faisceaux qui déterminent l’emplacement de 26 panneaux historiés racontant l’histoire sainte. Comme le propose Irénée, cette croix agit d’abord, spatialement et visuellement, comme l’élément structurant et ordonnateur du cosmos et du temps. Signe du Verbe en acte, il évoque sa totale domination sur le monde.

Sa forme organisée sur les deux premières lettres du mot Christ, le Tau et le Rhô grecs, peut être rapprochée de la forme du staurogramme, le signe céleste de Dieu (caeleste signum Dei dans la description de Lactance), que l’empereur Constantin aurait vu en songe, qui fut apposé sur les boucliers de ses soldats, et qui serait réapparu le jour de la victoire du Pont Milvius, en 312. Son ornementation reprend elle aussi, si l’on se réfère à la description d’Eusèbe de Césarée, le format de la croix gemmée lumineuse et rayonnante (crux gemmata) liée à Constantin.

La croix du baptistère de Naples cristallise ainsi deux visions, inscrites dans la perspective commune d’une domination du Christ sur le monde. La première est la vision théophanie « historique » : elle est la croix qui régit l’ensemble du cosmos et y impose la victoire des chrétiens, et elle est la révélation du signe du Fils de Dieu au baptisé qui progresse vers la lumière de la vie éternelle : « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné », Mc 16, 16. Le baptisé se trouvant placé juste sous la croix, son corps est aligné sur le bras vertical, s’opère un glissement de la croix victorieuse de Constantin vers une croix victorieuse de la mort dans le corps du chrétien. La lumière y joue alors comme la manifestation de l’action divine dans le corps baptisé, une vie éternelle qu’évoquent aussi tous les éléments de vitalité sertis dans la couronne entourant le signe : des végétaux, des oiseaux, et des canthares et corbeilles remplis de fruits, ainsi qu’un phénix à la verticale de la Main divine (voir Lumière comme agent dynamique).

La croix du baptistère agit enfin sur un troisième plan référentiel : marque, sceau de l’évêque Serenus (363-403) de Naples, commanditaire du baptistère, elle réapparaît à plusieurs reprises dans le baptistère, et fonctionne comme un rappel de la délégation apostolique dont bénéficie l’évêque, qui peut accomplir le sacrement du baptême au nom du Christ.


Rédaction

Isabelle Marchesin / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud


Pour citer la page

Collectif OMCI-INHA, Isabelle Marchesin / Direction scientifique : Isabelle Marchesin, Mathieu Beaud, « Le chrisme signe de l’ordre cosmique » in Ontologie du christianisme médiéval en images, consulté le 01 mai 2024, https://omci.inha.fr/s/ocmi/item/1182